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CHAPITRE IX.

Soumission de l'Espagne entière au roi
Joseph, et ses conséquences.

QUELQUES places fortes et villes capitales de

provinces n'étaient pas encore soumises au commencement de 1809. Zaragoza se soumit le 21 janvier, après une résistance aussi inutile qu'obstinée, accomplissant ainsi la prédiction de Ferdinand VII; plus de trente mille braves Arragonais y périrent, outre la destruction et la ruine de la plus grande partie de ses édifices, seulement pour obtenir la gloire barbare de pouvoir se mettre en parallèle avec Numantia, Sagunto et Calahorra, sans considérer que la charité de la religion catholique désapprouvait ces exemples du paganisme, si contraires au bien solide et réel de la patrie. L'adresse que l'assemblée suprême d'Arragon fit au roi Joseph, sous la date du 11 mars, adoucit un peu la barbarie qu'elle avait montrée, car elle dit à S. M. qu'elle pouvait compter sur les Arragonais comme sur ses plus fidèles sujets; et autant la résistance qu'ils avaient opposée

pour se soustraire à son obéissance, avait été grande, autant leur fidélité serait inviolable, ferme et constante (1).

Lérida, Tortosa, Tarragona, Mequinenza, Morviedro, Valencia, Badajoz et CiudadRodrigo, subirent le même sort, à différentes époques, avec plus ou moins de malheurs. Pendant ce temps, Ferdinand VII vivait dans la plus grande harmonie avec l'empereur Napoléon. Il lui écrivit le 6 août, pour le complimenter sur ses victoires, et le 24 décembre le remercia de l'intérêt paternel qu'il prenait aux affaires dont il l'avait entretenu précédemment, et qui avaient donné lieu à la lettre impériale du 16 dudit mois (2).

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La guerre qui éclata avec l'Autriche donna à l'assemblée centrale et au cabinet anglais l'espoir de voir diminuer les forces des armées françaises; mais la rapidité des victoires de Napoléon, qui forcèrent l'empereur d'Autriche à faire la paix, rendit tous leurs calculs faux; car, non-seulement François reconnut Joseph comme roi des Espagnes, mais il souscrit d'avance à tous les changemens que Napoléon voudrait faire dans la péninsule, et peu après

(1) Pièces justificatives.

(2) Idem.

lui accorda l'archiduchesse, sa fille, pour épouse.

Ferdinand célébra ce mariage le 1er avril 1810, avec des particularités qu'il faut remarquer. Il illumina avec goût et magnificence le palais de Valançay : il y eut un superbe feu d'artifice, et dans la seconde cour, on lisait l'inscription suivante : Au grand Napoléon, Empereur des Français, Roi d'Italie, et à son auguste épouse Marie-Louise d'Autriche; les princes d'Espagne, Ferdinand, Charles et Antoine. Il fit célébrer, avec beaucoup de solennité, la messe, et chanter un Te Deum en grande musique dans la chapelle de son palais; et quand la cérémonie religieuse fut terminée, Ferdinand se tourna vers l'auditoire, et cria avec un enthousiasme incroyable : Vive l'Empereur, vive l'Impératrice, paroles qui furent répétées par tous les assistans, et que Ferdinand prononça encore plusieurs fois. avec les mêmes démonstrations. Il dota d'une somme de six cents francs la fille la plus vertueuse et la plus pauvre de Valançay, donna un somptueux repas à toutes les autorités et personnages marquans des environs; on porta des toasts, et Ferdinand porta le premier en ces termes : A nos augustes souverains le grand Napoléon et Marie-Louise, son au

guste épouse. Le lendemain, M. Berthemy, gouverneur du château, fit à S. M. I. et R., le rapport de tout ce qui s'était passé la veille (1). La raison pour laquelle Ferdinand nomma Napoléon son souverain, se base sur sa qualité de prince de l'Empire français, qu'il avait reçue par le traité du 10 mai 1808, signé à Bayonne, avec des propriétés territoriales et des revenus sur le trésor public; il est à remarquer qu'en portant un tel toast avec de pareilles expressions, il paraissait manifester un aveu intérieur, volontaire et fait par réflexion pendant les deux années écoulées depuis le traité.

Ferdinand était si résigné et s'était tellement conformé aux circonstances, qu'en voyant chaque jour plus de difficultés et d'impossibilité de pouvoir régner en Espagne, il réunit tous ses désirs pour tacher de parvenir au grand bonheur de devenir le fils adoptif de l'empereur. On voit cela particulièrement par une lettre datée du 4 du même mois d'avril, trois jours après la célébration de la fête dans laquelle, entr'autres, il écrivit à M. Berthemy ce qui suit : « Ce qui m'occupe actuellement « est pour moi du plus grand intérêt. Le premier de mes désirs est de pouvoir obtenir

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d'être le fils adoptif de S. M. l'empereur, << notre auguste souverain. Je me crois digne << de cette adoption, qui me rendrait heureux

pendant toute ma vie, soit par ma parfaite << soumission et mon amour envers la personne «sacrée de S. M., soit par ma toute obéis«<sance à ses ordres et volontés (1) ». Bientôt Ferdinand eut de nouvelles occasions de montrer sa sincère résignation, par ce qui arriva deux jours après la date de cette lettre, dont la narration, basée sur des documens authentiques, ne peut être retranchée de ces Mé

moires.

Le baron de Colli Irlandais de naissance, ambassadeur secret du roi d'Angleterre auprès du roi d'Espagne Ferdinand VII, avait la commission positive de s'introduire au château de Valençay, déguisé en architecte, négociant ou de toute autre manière propre à remplir le but proposé, donner une lettre à Ferdinand, et remplir sa mission. La lettre était du monarque anglais Georges III, datée du palais de la reine à Londres, le 31 février 1810, contresignée par le ministre Wellesley, adressée au roi d'Espagne et des Indes, Ferdinand VII, qui l'engageait à profiter de l'heureuse occasion pour

(1) Pièces justificatives.

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