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voyage fut continué jusqu'à la France. Son zèle pour le bien du roi l'inspira de dire à Bayonne au duc de l'Infantado qu'il conviendrait beaucoup que le roi tînt ferme contre les attaques de l'empereur, et ne renonçât pas à ses droits. Il n'en résulta aucune utilité pour Ferdinand; mais Herbas étant mort, la gloire de son patriotisme et de son attachement au roi méritent bien de lui survivre, d'autant plus que sa qualité de beau-frère du grand-maréchal Duroc n'avait pu affaiblir son zèle.

Le père Salmon, religieux de l'ordre de Saint-Augustin, dans son Abrégé historique de la révolution d'Espagne (dont j'ai dans ce moment-ci la première notice, quoiqu'il l'ait écrit à Cadix en 1808), assure qu'un certain inconnu demanda la permission de parler au roi Ferdinand à Madrid, le 27 ou le 28 mars, et l'ayant obtenue, dit à sa majesté, en présence des trois conseillers intimes ci-dessus nommés, et du ministre Cevallos, avoir entendu dire chez l'ambassadeur de France, M. Beauharnais, que les intentions de l'empereur étaient de détrôner les Bourbons; que c'était l'unique objet de l'arrivée du grand-duc de Berg et de son armée; que celui-ci était autorisé d'emprisonner même tous les princes s'il le fallait, et qu'il importait peu qu'une

grande partie des habitans de Madrid fût sacrifiée, pourvu qu'on réussît. Tout fut inutile. Les confidens du roi donnèrent plus de valeur aux paroles de M. Beauharnais qu'à celles de l'inconnu.

Don Manuel Mazon-Correa, chef des trou

pes de douanes de la rivière d'Ebre, directeur des manufactures de sel de la province de Burgos, suppléait dans ce temps-là à l'office de commissaire-ordonnateur pour préparer à Miranda-de-Ebro les subsistances des armées françaises; ceci lui donna l'occasion d'apprendre qu'un officier français avait dit dans un cabaret du gros bourg d'Ameyugo, près de Mirandade-Ebro, que Ferdinand faisait son voyage en prisonnier, sans le savoir, et que s'il voulait s'y soustraire, il serait conduit de Vitoria en France, malgré lui. Mazon, qui aimait le roi, engagea l'alcalde d'Ameyugo de recevoir le serment des personnes témoins de ces propos, envoya, après, le procès-verbal au duc de l'Infantado, en offrant de sacrifier sa vie s'il le fallait , pour donner au roi les moyens de s'évader, avec l'escorte de douaniers sous ses ordres, qui était de deux mille hommes plus ou moins. Le duc lui fit répondre que le roi savait bien ce qu'on devait faire; qu'aucun sujet n'avait le droit de se mêler des affaires d'état,

et qu'en conséquence Mazon devait restreindre son zèle à l'obéissance des ordres de la junte suprême qui gouvernait le royaume. Il obéit, en effet, lorsqu'elle ordonna de reconnaître, comme souverain d'Espagne, le roi Joseph; et il est à présent un des réfugiés en France, souffrant les conséquences de la circulaire du 30 mai, pendant que le duc de l'Infantado jouit dans ses foyers, et à la cour, de toute la faveur du roi.

Don Mariano Louis d'Urquijo (qui, sous Charles IV, avait été ministre secrétaire d'état), demeurant alors à Bilbao, reçut une lettre de son ami don Grégorio de la Cuesta, capitainegénéral de la Vieille-Castille, datée de Burgos, qui, en annonçant le voyage du roi, lui conseillait de s'en aller à Vitoria, et présenter ses respects au roi. Urquijo suivit le conseil de son ami, et, dans quelques entretiens, il montra au duc de l'Infantado plusieurs raisons de croire que le roi serait trahi et perdu. Il fit voir qu'il existait encore des moyens d'éviter sa ruine, parce que Sa Majesté pouvait sortir de Vitoria, déguisé, pendant la nuit, et se retirer à Saragosse par Rioja, ce qui pourrait se faire bientôt, et très-facilement. Le duc ne donna pas au conseil l'importance qu'il méritait, et le résultat confirma les prophéties de M. Urquijo.

Celui-ci l'en fit ressouvenir après à Bayonne. Le duc avoua ses erreurs, mais trop tard; il crut alors diminuer les mauvaises conséquences de sa conduite, en cherchant les moyens de faire du bien à la patrie. C'est pourquoi îl s'attacha de tout son cœur au roi Joseph, et il le servit bien jusqu'à la bataille de Baylen. Urquijo resta toujours dans sa première opinion, et il est un des réfugiés en France.

Il en arriva autant au duc de Mahon. Celuiei, qui était alors capitaine-général de Guipuscoa, résident à Saint-Sébastien, montra les mêmes soupçons, et promit au roi d'assurer sa fuite vers l'Aragon, quoiqu'il risquât sa vie et celles des troupes de son corps d'armée.

Une fortune plus brillante attendait don Michel Richard d'Alava, officier de marine. Crai gnant à Vitoria, sa patrie, ce qui arriva à Bayonne, il avait offert à Ferdinand de le tirer d'entre les troupes françaises, déguisé en muletier. Après, il servit ie roi Joseph jusqu'à la bataille de Baylen, et, aujourd'hui, il est général de l'armée de Ferdinand. Son bonheur a été l'effet du changement de parti, comme nous le verrons dans la suite.

Ferdinand écrivit de nouveau à Napoléon, de Vitoria, le même jour 18, en lui disant que, désirant lui faire connaître que l'abdication de

son père avait été spontanée, il avait résolu de partir le 19 pour Irun, afin d'arriver le 20 à Marrac. Il exécuta en effet ce dessein, écrivant de nouveau d'Irun, le 19, pour demander la permission de faire sa visite à S. M. I. et R. à Marrac. Il entra à Bayonne le 20 avril, accompagné des personnages désignés plus haut et du comte de Villariezo, capitaine des gardes-ducorps, du comte d'Orgaz, du marquis de Guadalcazar et du marquis d'Ayerve, tous quatre grands d'Espagne et gentilshommes de la chambre, et de quelques autres officiers du palais.

Aussitôt que Ferdinand fut arrivé, l'empereur alla lui rendre visite: celle-ci terminée, le général Duroc, grand-maître du palais impérial se présenta chez le roi pour l'inviter à dîner avec S. M. I. et R. L'invitation fut acceptée, et Ferdinand s'étant retiré chez lui après le diner, Cevallos dit que le même général Savary, dont il a été question plus haut, se présenta chez le roi pour lui annoncer que Napoléon avait irrévocablement résolu que la dynastie des Bourbons ne régnerait plus en Espagne, et qu'elle serait remplacée par la sienne propre; qu'à cet effet, il voulait et comptait que Ferdinand renoncerait, en son nom et en celui des autres princes de sa mai

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