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ger, par le roi et les princes de la famille royale. Les sommes dont le roi se reconnait personnellement débiteur envers divers particuliers, sont reconnues, dettes de l'état, jusqu'à concurrence de 30 millions.

30. Ajournement des chambres législatives, au 1er mai 1815.

La chambre des députés offre un bien petit nombre de personnes dignes d'attention. Nulle de nos assemblées, à l'exception des conseils qui furent le résultat nécessaire, du 18 fructidor ( V. 16 — 18 juin 1799, page 274), n'avait été, à ce point, dépourvue de talents ou de mérite. Depuis les modifications apportées à la constitution de l'an viii, la représentation nationale se formait suivant un mode compliqué et au profit du despotisme. Le maître, tel qu'un joueur de gobelets, agitait à son gré les chétifs objets de ses combinaisons fugitives. Le sénat prenait les législateurs dans les candidats présentés par les colléges électoraux auxquels le gouvernement avait dicté ses choix. On rejetait avec soin l'homme d'un mérite reconnu, l'homme dont le caractère prononcé aurait fait ombrage au sultan des Tuileries. On leur préférait ces ignobles parasites de places, qui se présentent à toutes les avenues du pouvoir, à chaque saison et quelque temps qu'il fasse ; ou bien les très-obscurs clients de quel ques sénateurs dont l'influence dominait les votes de leurs collègnes. De petits propriétaires, presque prolétaires, briguaient les faveurs de cette occasion solennelle, les indulgences de ce jubilé quinquennal, afin d'aboutir à Paris, ce centre des fortunes et des intrigues. Là, par leurs sourdes menées, leur chétif manége, leur entregent subtil et délié, ils obtenaient de petits emplois pour leurs petits parents. Avec 10,000 francs de traitement, ils nageaient dans le Pactole. Ils jouissaient de cette importance qui s'attachait à leur médaille privilégiée, à leur habit brodé d'argent. D'ailleurs il ne fallait ni les moindres frais d'érudition, ni le moindre effort d'esprit, pour exercer d'insignifiantes fonctions sous un souverain excessivement jaloux de faire à lui seul toutes choses. Tranquillement assis sur les bancs, ces législateurs tout débonnaires écoutaient en silence les orateurs du gouvernement, et ne se dérangeaient un peu que pour déposer une boule dans l'urne législative. Ni côté droit," ni côté gauche, dans cette salle d'un aspect inévitablement uniforme. Tout y était obséquieux et taciturne, le seul président était débâillonné à certains intervalles. Aussi, à chaque occurrence qui devait attirer un bienfait sur sa personne, ce président exerçait-il avec une véhémente ardeur son exclusive prérogative, célébrant,

d'une voix extatique, l'auguste munificence du grand monarque, dont la main épanchait de riches émoluments sur le premier représentant de la grande nation. Sans doute, les recueils destinés à transmettre les détails de quelque importance, conserveront à la postérité les ingénieux éloges de ce président, ainsi que les complaisantes harangues du chambellan Montesquiou; car leurs discours doivent servir à caractériser cette époque législative. Vingtcinq à trente séances, pendant deux ou trois mois, chaque année, suffisaient à tout ce qu'on demandait de nos dociles mandataires. De retour dans leurs départements, ils ne négligeaient pas d'y reporter un peu de cette dignité dont ils venaient de contempler, avec une respectueuse résignation, les sublimes hauteurs. Après s'être inclinés devant un Cambacérès, un Fouché, princes et ducs dont l'exaltation fut aussi honorable que celle des dignitaires de Henri 1", roi d'Haïty ( V. 2 juin 1811), ces législateurs se relevaient pour recevoir les hommages des administrateurs et des employés de leurs départements, ayant soin de leur indiquer l'art de cette déférence dont ils venaient de faire à Paris le très-utile, le très-profitable apprentissage.

En considérant le mode d'élection en usage depuis dix ans, ne doit-on pas s'étonner que l'assemblée de 1814, qui est tout entière celle de 1813, ait possédé quelques hommes dont les bonnes qualités, dont les sentiments estimables méritent d'être distingués; qu'elle ait recélé quelques parcelles du feu sacré de la patrie étouffée par une si forte et si durable compression? Il serait donc plus injuste de ne pas retracer des noms dignes d'éloge et de reconnaissance Becquey, Bédoch, Flaugergues, Laine, Raynouard, plusieurs autres députés ont montré que, quoiqu'ils eussent fléchi sous la verge impériale, ils n'avaient attendu que l'apparition d'un gouvernement qui tolérerait les saines doctrines, pour se redresser et se remettre dans les voies de la justice, de la liberté et de l'honneur. Hommage à ces Français, puisque les excès de la licence pendant douze années, l'action étouffante du despotisme pendant douze autres années, n'ont pu éteindre dans leurs ames le feu du patriotisme!

1815.

Janvier, 18, 19. Exhumation des restes de la reine, MARIE ÂnTOINETTE, et de Louis XVI. Des fouilles ont lieu dans les terrains indiqués comme ceux où furent creusées les fosses qui reçurent les

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corps des deux augustes victimes. On en retire de très-faibles fragments d'ossements en calcination presque achevée ( V 21 janvier 1793, , p. 153). Les procès-verbaux constatant et appréciant ces découvertes, portent les signatures de dix personnes, dont huit tiennent à la cour; les deux autres témoins sont les propriétaires du terrain. Aucun des fonctionnaires ordinaires de l'ordre municipal et judiciaire, n'ayant été présent aux travaux, n'ayant été appelé pour apprécier l'individualité des parcelles retrouvées, il s'est élevé des doutes sur la sincérité de ces procès-verbaux. La signature du ministre Blacas, dont les actes sont très - défavorablement jugés par l'opinion, devient un nouveau motif de défiance. Plusieurs dispositions prises à cette occasion semblent, à des esprits soupçonneux, annoncer le dessein de rétablir les principes de l'ancienne monarchie. Sans doute on ne saurait voir dans le caractère du roi, rien qui donne lieu à de semblables appréhensions; mais la cour se montre toujours imbue des maximes qu'elle professait au commencement de la révolution, qu'elle conserva dans l'exil, qu'elle a rapportées en France, et qu'elle essaie de faire prévaloir par tous les moyens de l'intrigue, au nombre desquels elle voudrait faire entrer jusqu'aux cérémonies ecclésiastiques. Si les amis de la liberté constitutionnelle trouvent dans les menées des courtisans des raisons assez plausibles de se tenir en défiance du gouvernement, il est aussi beaucoup de personnes que l'esprit de faction excite à se servir de toutes les apparences susceptibles d'augmenter les mécontentements. Et c'est à ceci que les dépositaires du pouvoir négligent de faire attention.

Février 26. Joachim Murat, roi de Naples, reconnu par le grand nombre des puissances, ayant annoncé le dessein d'envoyer une armée contre la France et fait demander passage par la

moyenne et la haute Italie, reçoit des autorités autrichiennes une déclaration formelle, que l'empereur s'opposera au passage. Le ministre napolitain au congrès de Vienne appuyait cette demande sur les craintes inspirées par le cabinet des Tuileries, qui paraissait avoir formé le projet d'obliger Murat à remettre la couronne de Naples au roi Ferdinand. C'est du moins ce qu'annonçait une lettre du Prince de Bénévent ( Talleyrand) au lord Castlereagh, lettre dans laquelle le premier propose un plan d'attaque contre Murat (V. 28 mars ).

Mars 1er. Débarquement de Napoléon Bonaparte au golfe Jouan, près de Cannes (Var). Sorti furtivement de l'île d'Elbe (V. 11 avril

1814) avec 1100 hommes, ses anciens soldats, il adresse aussitôt, comme empereur, une proclamation au peuple français. Après avoir avancé que la trahison seule a livré la France à ses ennemis; il dit: « Les Français ne furent jamais sur le point d'être plus puissants, et « l'élite de l'armée ennemie était perdue sans ressource; elle eût « trouvé son tombeau dans ces vastes contrées qu'elle avait si impi«toyablement ravagées....... Dans ces nouvelles et grandes circon« stances, mon cœur fut déchiré, mon ame resta inébranlable; je « m'exilai sur un rocher au-delà des mers; ma vie vous était et de«vait encore vous être utile..... Élevé au

« trône par votre choix, tout ce qui a été fait sans vous est illégi<< time....

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Mars 6. Ordonnance du roi portant convocation immédiate des chambres législatives.

6. Ordonnance du roi qui déclare Napoléon Bonaparte traître et rebelle.

7. Napoléon, aidé par des défections partielles, et n'éprouvant d'obstacle, ni des forces dirigées contre lui, ni des habitants, parvient à Grenoble où se trouve un dépôt considérable d'artillerie. — Il s'y est rendu par Grasse, Sisteron, Gap, la Mure, ayant fait en six jours 72 lieues à travers un pays de montagnes très-difficile. 10. Entrée de Napoléon à Lyon. Il amène 8000 hommes de troupes de ligne et 30 pièces de canon. Il est accueilli par une partie nombreuse de la population.

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11. Ordonnance du roi, concernant la convocation et la permanence des conseils généraux des départements. - Ils resteront en « séance permanente, pour l'exécution des mesures de salut public prescrites par nos ordonnances. Ils sont autorisés à prendre toutes • autres mesures, que les circonstances ou les localités pourront « leur suggérer...

11. Le roi retire au maréchal Soult le porte-feuille de la guerre. Il le remet au général Clarke (duc de Feltre), administrateur et militaire sans réputation, mais tout dévoué aujourd'hui à la cause royale, comme il le fut au directoire; comme il le fut au gouvernement des consuls; comme il le fut jusqu'au dernier jour à l'autorité et à la personne de l'empereur Napoléon, qui se reposait sur sa minutieuse exactitude de l'exécution de beaucoup de détails dans la partie militaire. Le nouveau ministre déclare lui-même avec assurance à la chambre des députés (seance du 13) : « J'ai pris le porte« feuille, parce que je suis fidèle au roi, parce que je suis fidèle à

«< la nation, et que, dans toutes les circonstances de ma vie, j'ai « scrupuleusement rempli tous mes engagements...

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.... Tous ceux qui me connaissent savent que je suis honnête « homme, et incapable de sortir de la ligne de mon devoir. Il <«< était indispensable que je me rendisse à moi-même ce témoi« gnage....

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Mars 13. Déclaration des puissances signataires de la paix de Paris, réunies en congrès à Vienne. - «En rompant ainsi la conven<«<tion qui l'avait établi à l'île d'Elbe, Bonaparte détruit le seul titre « légal auquel son existence se trouvait attachée. En reparaissant en France, avec des projets de troubles et de bouleversements, il s'est « privé, lui-même, de la protection des lois, et a manifesté, à la « face de l'univers, qu'il ne saurait y avoir ni paix, ni trève avec « lui. Les puissances déclarent, en conséquence, que Napoléon Bo« naparte s'est placé hors des relations civiles et sociales; et que, « comme ennemi et perturbateur du repos du monde, il s'est livré « à la vindicte publique. Elles déclarent, en même temps, que fer« mement résolues de maintenir intacts le traité de Paris du 30 mai « 1814 et les dispositions sanctionnées par ce traité, et celles qu'elles « ont arrêtées ou qu'elles arrêteront encore pour le compléter et le << consolider; elles emploieront tous les moyens et réuniront tous « leurs efforts pour que la paix générale, objet des vœux de l'Europe, «<et vœu constant de leurs travaux, ne soit pas troublée de nou

« veau...

Le gouvernement de Napoléon s'efforcera, pendant deux mois entiers, de persuader au public, et à Paris et dans les départements, que cette déclaration des puissances est une pièce supposée. — Si, moins dévoré d'impatience, il eût attendu la fin du congrès de Vienne, et la dispersion des puissants régulateurs de l'Europe, il se serait donné de meilleures chances d'un succès définitif. Mais son ame profondément atteinte du besoin de dominer, ne saurait admettre que ses longs attentats aient animé les peuples d'une haine invétérée, aient réuni les souverains dans une alliance moins fragile que les précédentes coalitions. Il parait néanmoins que la discorde pénétrait dans les conseils des alliés, et qu'achevant les spoliations de territoire, et le trafic des ames qu'ils se cédajent mutuellement, les cabinets se disposaient à reprendre, avec leurs anciennes inimitiés, leurs systêmes de politique particulière. L'Autriche, la France et l'Angleterre s'étaient liées, par une convention secrète, contre la Russie et la Prusse; les divisions s'annonçaient, se prononçaient

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