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nationale qui réunit les hommes les plus malfaisants, Barnave, Barrère, Merlin, dit de Douai, Robespierre, propose un décret qui prohibe et punisse l'émigration. Après les plus vifs débats, qui montrent le déclin de l'influence de Mirabeau, s'opposant de toutes ses forces à cette mesure tyrannique, le décret est seulement ajourné.

Février 28. La populace du faubourg Saint-Antoine se porte au château de Vincennes. Elle y commet des dégâts, après avoir inutilement tenté de massacrer les prisonniers ( V. 20 novembre 1790).

28. Un certain nombre de personnes affiliées à la Société Monarchique établie en opposition au club des jacobins, se sont rendues, secrètement armées, dans les appartements des Tuileries. Beaucoup d'entre elles croient la personne du roi en danger; on leur suppose l'intention d'attaquer la garde nationale qui fait le service au château. Louis XVI ayant, afin d'éviter une rixe sanglante, ordonna à ces personnes de déposer leurs armes, on les insulte et on les maltraite en sa présence même.

Mars 1er. Rapport à l'assemblée nationale sur l'effectif de l'armée, consistant en 130,000 hommes.

4. Troubles violents à Saint-Domingue. Le colonel Mauduit est égorgé.

5. Décret supprimant la ferme et la régie générales.

Avril 2. Mort d'Honoré Riquetti, comte de Mirabeau, ágé de 42 ans.

Fameux, dès son adolescence, par la fougue de son caractère, les égarements de sa conduite, ses emprisonnements, et des écrits qui révélaient un implacable ennemi du despotisme, il fut, au début des troubles, l'oracle du tiers état, et le plus fort levier des opinions démocratiques. La nature le doua de toutes les qualités qui agissent sur les hommes réunis. Aucun orateur n'excella, comme lui, dans cet art d'imprimer du mouvement à la discussion et de rendre sensibles à l'imagination les objets présentés d'abord à l'intelligence. L'amer sarcasme, l'ironie piquante, la mordante hyperbole, la force de la pensée, l'originalité de l'expression, la véhémence du débit; tout cela donnait à ses discours un effet prodigieux; et, de tous les hommes éloquents qui ont fait retentir leur voix dans nos assemblées, il est le seul qui ait possédé l'éloquence des passions dans la plénitude de sa puissance. Il est aussi celui qui en a le plus abusé. Trop souvent il répandit de la tribune un torrent de menaces, d'anathêmes populaires, d'incendiaires déclamations, qui reproduisait ce

spectacle du Forum, lorsque Clodius, exécrable par ses mœurs, déshonoré même parmi les gens sans honneur, de patricien devenu plébéien pour faire servir à ses intérêts un peuple effréné, montrait au sénat le fer des prolétaires, et lui arrachait l'exil de Cicéron. Mais, lorsque ce même Mirabeau n'était point ému par une circonstance extraordinaire, qu'il n'était point irrité, ou qu'il argumentait en faveur d'une cause trop évidemment mauvaise, il divaguait, devenait obscur; et cette molle verbosité, dont il ne pouvait alors se défendre, lui dérobait tous ses avantages.

Mirabeau subjugua d'abord, il entraîna long-temps la majorité de l'assemblée constituante; plus tard, il y contenait la faction naissante des jacobins. Aussi a-t-on cru qu'ils avancèrent ses jours. On ne saurait du moins douter qu'il ne fût revenu de ses emportements contre la royanté. Surmontant, par la vigueur de son génie, l'orgueil le plus irascible et les vices les plus invétérés, il sentait la nécessité de relever la cause de la raison et de la justice; il voulait s'établir médiateur entre les passions démagogiques et les préjugés opiniâtres. Mais il eût vainement essayé d'arrêter ce fleuve qu'il avait lui-même déchaîné. Ayant tué la monarchie en soufflant sur l'esprit qui la vivifiait, par quel prodige en eût-il ranimé le simulacre? Ecouté de jour en jour avec moins de faveur, de jour en jour il perdait de son ascendant (V. 26 janvier, 22 mai 1790). Dans la séance orageuse du 28 février 1791, tous ses efforts parvinrent seulement à faire ajourner la rédaction de la loi contre l'émigration, et non à faire reconnaître l'njustice du principe. En vain, s'écria-t-il : « La popularité que « j'ai ambitionnée et dont j'ai eu l'honneur de jouir comme un autre, << n'est point un faible roseau; c'est dans la terre que je veux enfoncer - ses racines sur l'imperturbable base de la raison et de la liberté. « Si vous faites une loi contre les émigrants, je jure de n'y obéir « jamais........ je combattrai les factieux; je les combattrai, de quelque < parti et de quelque côté qu'ils puissent être. » Ce discours fut le dernier éclair d'une éloquence désarmée de ses foudres.

On peut donc assurer que la mort et l'existence de cet homme extraordinaire furent également funestes à la France. Il donne la preuve que l'ostentation de l'immoralité est une grande faute de conduite dans un chef de parti, de quelques rares talents dont il soit doué; tandis que les réapparitions de son grand auxiliaire, le ténébreux abbé Sièyes, auront montré que l'hypocrite peut, quoique avec des moyens vulgaires, flotter sur le courant des révolutions. Cromwell, Robespierre et Bonaparte offrent de bien plus terribles

exemples de cette haute domination à laquelle on arrive par l'imposture bien plus encore que par l'audace.

Avril 7. Décret. Aucun député à l'assemblée nationale ne pourra entrer dans le ministère que quatre ans après la fin de la législature. 14. Décret qui révoque la cession du domaine de Fenestranges, un tel acte étant considéré comme une insigne déprédation envers le trésor.(V. 1er avril 1790, 20 mars 1816, 16 janvier 1817) - Cette famille de courtisans est celle qui, depuis la retraite de la courtisanne Dubarry, a le plus excité l'animadversion publique.

sonne,

18. Le roi, craignant d'employer ostensiblement près de sa perle ministère des prêtres qui se sont refusés au serment exigé d'eux (V. 27 novembre 1790), voudrait se retirer à Saint-Cloud, pendant la semaine sainte. Il se voit retenu aux Tuileries par une multitude alarmée des préparatifs de son départ. La Fayette paraît mécontent de n'avoir pas été obéi d'une partie de la garde nationale, en essayant de protéger la liberté du roi; il en dépose le commandement. Mais, universellement sollicité de le reprendre, il le reprendra trois jours après.

20. Installation du tribunal suprême de cassation.

23. Le roi prescrit à ses agents près des cours étrangères de leur faire part qu'il a prêté serment à la constitution.

Mai 15. Décret admettant les gens de couleur résidant dans les colonies et nés de parents libres, à l'égalité des droits avec les blancs. Il est dû au zèle de l'abbé Grégoire pour la cause des noirs, et aux dissertations de Robespierre. C'est principalement à l'influence de ce décret porté et mis en exécution avec une précipitation inconsidérée, qu'il faut attribuer les premiers désastres des colonies et leurs affreuses suites.

16. Décret. Les membres de l'assemblée nationale ne pourront être réélus à la prochaine législature. Les sophismes de Robespierre et les déclamations de Garat, ce même Garat porteur de l'arrêt de mort à Louis XVI (V. 20 janvier 1793), enlèvent à des législateurs insensés cette dangereuse résolution, en la leur présentant comme un beau témoignage d'abnégation personnelle. La non réélection des membres de l'assemblée constituante est nécessaire aux projets de domination exclusive des jacobins qui dirigent le conseil de la commune de Paris.

21. Adresse de G. Th. Raynal, remise par lui-même, au président de l'assemblée nationale, et lue en séance publique. « En arrivant « dans cette capitale, après une longue absence, mon cœur et mes

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regards se sont tournés vers vous..... Prêt à descendre dans la nuit « du tombeau.... que vois-je autour de moi? des troubles religieux, « des dissensions civiles, la consternation des uns, l'audace et l'emportement des autres, un gouvernement esclave de la tyrannie populaire; le sanctuaire des lois environné d'hommes effrénés qui ⚫ veulent alternativement, ou les dicter, ou les braver; des soldats sans discipline; des chefs sans autorité; des magistrats sans courage; des ministres sans moyens; un roi, le premier ami de son peuple, plongé dans l'amertume, outragé, menacé, dépouillé de « toute autorité, et la puissance publique n'existant plus que dans a les clubs où des hommes ignorants et grossiers osent prononcer sur toutes les questions politiques. Telle est, MM., n'en doutez pas, telle est la véritable situation de la France.... J'étais plein d'espérance et de joie, lorsque je vous vis poser les fondements de la félicité publique, poursuivre tous les abus, proclamer tous les droits, soumettre aux mêmes lois, à un régime uniforme, les di« verses parties de cet empire. Mes yeux se sont remplis de larmes, « quand j'ai vu les plus vils, les plus méchants des hommes, em«ployés comme instruments d'une utile révolution; quand j'ai vu le saint nom de patriotisme prostitué à la scélératesse, et la licence « marcher en triomphe sous les enseignes de la liberté ! L'effroi s'est « mêlé à ma juste douleur, quand j'ai vu briser tous les ressorts du gouvernement et substituer d'impuissantes barrières à la nécessité d'une force active et réprimante..... Combien je souffre lorsqu'au « milieu de la capitale et dans le foyer des lumières, je vois ce peuple ⚫ séduit accueillir, avec une joie féroce, les propositions les plus coupables; sourire aux récits des assassinats; chanter ses crimes comme des conquêtes; appeler stupidement des ennemis à « la révolution; la souiller avec complaisance; fermer ses yeux à « tous les maux dont il s'accable..... Appelés à régénérer la France, « vous deviez considérer d'abord ce que vous pouviez utilement <conserver de l'ordre ancien, et de plus, ce que vous ne pouviez pas en abandonner. La France était une monarchie son éten« due, ses besoins, ses mœurs, l'esprit national, s'opposent invinciblement à ce que jamais des formes républicaines puissent y être admises, sans y opérer une dissolution totale. Le pouvoir monar• chique était vicié par deux causes; les bases en étaient entourées de * préjugés, et ses limites n'étaient marquées que par des résistances « partielles. Épurer les principes, en asseyant le trône sur sa véritable base, la souveraineté de la nation; poser les limites en les plaçant

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« dans la représentation nationale, était ce que vous aviez à faire. « Et vous croyez l'avoir fait ! Mais, en organisant les deux pouvoirs, <«< la force et le succès de la constitution dépendaient de l'équilibre, « et vous aviez à vous défendre contre la pente actuelle des idées; « vous deviez voir que, dans l'opinion, le pouvoir des rois décline, « et que les droits du peuple s'accroissent. Ainsi, en affaiblissant « sans mesure ce qui tend naturellement à s'effacer, en fortifiant « sans proportion ce qui tend naturellement à s'accroître, vous arri« viez forcément à ce triste résultat un roi sans aucune autorité, « un peuple sans aucun frein......... Comment souffrez-vous, après avoir consacré le principe de la liberté individuelle, qu'il « existe dans votre sein une inquisition qui sert de modèle et de prétexte à toutes les inquisitions subalternes qu'une inquiétude factieuse a semées dans toutes les parties de l'empire?......

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« Vous avez posé les bases de la liberté, de toute constitution rai« sonnable, en assurant au peuple le droit de faire ses lois et de « statuer sur l'impôt. L'anarchie engloutira même ces droits éminents « si vous ne les mettez sous la garde d'un gouvernement actif et vi« goureux; et le despotisme nous attend, si vous repoussez toujours « la protection tutélaire de l'autorité royale..

Juin 1. Décret portant abolition de toute espèce de torture (V. 15 février 1788). La décollation será désormais le seul mode d'exécution des condamnés à la peine capitale. Une machine à cet usage en sera l'instrument. Elle recevra le nom de guillotine, de celui de son inventeur, le docteur en médecine Guillotin, constituant (mort en 1814).

2. Louis XVI, intimidé, donne à plusieurs décrets la sanction qu'il a refusée jusqu'à ce jour.

5. Décret qui retire au roi le droit de faire grace. En le privant de cette prérogative, on tranche le dernier lien du gouvernement monarchique. Aucun sentiment n'attachera plus le peuple au prince, et la dégradation morale du trône est consommée. Ce privilége sublime, dont l'abus est idéal dans une constitution libre qui rend les agents de la couronne responsables, et qui, par l'esprit qu'elle répand, restreint nécessairement l'usage de la clémence, ne fut jamais contesté au souverain dans les monarchies absolues, ni refusé au chef du gouvernement dans les états étroitement limités. Le roi de Pologne en jouissait; et les Américains-Unis en ont investi le président de leur congrès, avec les réserves que peut exiger l'intérêt public.

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