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pitoyables, n'adoptent les mesures des deux autres factions, qu'autant qu'elles conduisent à la confusion générale. L'or n'a point d'attrait pour eux. La passion du crime possède toutes leurs facultés; ils ne brûlent que de la soif du sang; ils sont conjurés contre tout ce qui s'élève au dessus du plus bas niveau; talens, vertus, distinctions sociales, industrie, propriété, sont toutes choses qu'ils abhorrent, qu'ils proscrivent également. Ils ne veulent ni palais, ni grandes villes; la génération actuelle doit être sacrifiée à leur principe d'égalité absolue. Du pain grossier, du fer, des soldats; voilà, selon eux, les seuls besoins d'une république naissante. Périsse la France, ou qu'elle n'existe que république jacobine!

Juin 8. Sur la proposition du ministre de la guerre Servan, proposition faite à l'insu du roi, l'assemblée nationale ordonne: qu'à l'occasion de l'anniversaire du 14 juillet, chaque canton du royaume envoie cinq hommes armés, et qu'il en soit formé un camp de 20,000 hommes sous les murs de Paris. Les motifs de cette mesure sont d'assurer aux démagogues les moyens de balancer l'influence préservatrice de la garde nationale de Paris, et de créer une force d'attaque qui puisse renverser le trône; car l'action prédominante des sociétés affiliées aux jacobins de Paris, assure aux ennemis de la monarchie le choix des hommes par canton. Le 19, et seulement le 19, Louis XVI appose son véto sur ce décret, et cette démarche sera la seule que puisse lui suggérer la vue de l'extrême danger dans lequel il se trouve.

10. Pétition de 8,000 citoyens, contre la formation du camp près de Paris.

16. Le roi trahi par trois de ses ministres, Servan, Roland, Clavières, les a renvoyés. L'assemblée nationale dirigée par le parti de la Gironde, déclare qu'ils emportent les regrets de la nation.

-Le parti de la Gironde ministres de son choix

20. JOURNÉE DU 20 JUIN et ses suites. déterminé à venger la disgrace des trois (V. le 16), a recours à une insurrection, dont l'effet doit intimider Louis XVI, ou le perdre entièrement dans l'opinion.

Les ouvriers des faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marceau, excités par les émissaires de la commune, se portent vers les Tuileries. Ils amènent avec eux une multitude de femmes, ou plutôt de furies. Le brasseur Santerre les dirige. En tête de leurs colonnes flottent des bannières chargées d'inscriptions infernales. Là, un homme couvert de haillons tient élevés au haut d'une pique, des lambeaux d'une culotte de soie noire, avec cet écriteau: Tremblez tyrans,

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voici les Sans-Culottes ! Ailleurs, des bouchers portent au bout d'une perche un cœur de bœuf percé d'outre en outre, avec cette légende: Cœur d'Aristocrate.

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Cependant la garde nationale se rassemble avec précipitation; nul ordre ne lui est donné pour s'opposer aux brigands. Désorganisée, (V. 29 septembre 1791, 1 art.) sachant à peine quel est son commandant actuel, elle laisse ces bandes de furieux poursuivre leur marche vers la rue Saint-Honoré. On dirait des soldats en faction dans une salle de spectacle, regardant les apprêts d'un combat simulé sur la scène. Nul magistrat n'invite à la défense du roi; la commune étant elle-même le grand ressort du parti qui veut amener la dégradation de la royauté. L'assemblée nationale affecte d'ignorer l'existence du rassemblement; elle s'occupe d'insignifiantes délibérations; lorsque Ræderer, procureur-syndic du département, se présente à la barre : « Il paraît, dit-il, que ce rassemblement com⚫ posé de personnes diverses, par leurs intentions, a aussi plusieurs objets dictincts. Planter un arbre en l'honneur de la liberté; faire « une fête civique commémorative du serment du jeu de paume; ap< porter à l'assemblée nationale un nouveau tribut d'hommages et de « nouveaux témoignages de zèle pour la liberté; tel est, certaine«ment, le but de la plus grande partie de ce rassemblement. Mais « nous avons lieu de craindre qu'il ne serve à son insu, peut-être, à appuyer, par l'appareil de la force, une adresse au roi, à qui « il ne doit en parvenir, comme à toute autre autorité constituée, « que sous la forme de simple pétition. On peut croire aujourd'hui, que des hommes armés se rassemblent par un mouvement civique; ⚫ mais demain, il peut se rassembler une foule de malveillants, en« nemis de la chose publique et de l'assemblée nationale. »

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Les insurgés sont introduits malgré la courageuse opposition du député Ramond. Leur orateur vomit d'affreuses imprécations contre le roi; on l'écoute en silence. Ils défilent dans la salle, de plus en plus encouragés par le parti Girondin. Leur joie féroce se signale dans cette enceinte même, par des danses sauvages et par ces chants révolutionnaires qui appellent aux massacres. L'assemblée se sépare, attendu qu'il n'y a plus rien à l'ordre du jour de la séance du matin. L'affreux cortège se porte au château des Tuileries. Des postes de gardes nationaux en occupent les avenues, ainsi que les terrasses du jardin; mais n'ayant point reçu de consigne, ils n'agiront pas d'euxmêmes; ils ne feront aucune résistance, et ouvrant leurs rangs à cette foule égarée, ils resteront immobiles dans une lâche indécision.

Les grilles sont abattues, les portes enfoncées à coup de hache. En peu d'instants, les cours, les escaliers, les salles de l'appartement du roi s'inondent de 20,000 forcenés brandissant des piques, des coutelas, des scies, des faulx, de longs bâtons armés de fer. Un canon est traîné jusques dans la salle haute des cent-suisses.

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Louis XVI, environné de sa famille, attend dans une pièce éloignée. On menace d'en briser la porte; lui-même il l'ouvre et se présente seul, à ces furieux qui l'entourent et le pressent. Mille bras menacent sa tête; une pique va l'atteindre, cette arme d'un sans-culotte est détournée par un garde national. Pendant deux heures, on lui prodigue les outrages, et sa contenance ne trahit aucune émotion. Des hommes à face hideuse, couverts des plus sordides vêtements, l'interpellent, l'interrogent, le tutoient, lui prescrivent dans les termes les plus injurieux, dans le langage des halles, la sanction des décrets du 24 mai et du 8 juin. Toujours calme, Louis XVI déclare qu'il ne se dessaisira jamais des droits que lui donne la constitution; qu'il en a juré le maintien. La foule crie en rugissant, que cela n'est pas vrai; qu'il a déja trompé ; qu'il trompera encore; et puis à bas le véto! Sanctionnez les décrets. Rappelez les ministres patriotes. Vive la nation! (Discours de Gonchon, orateur du faubourg Saint-Antoine, à la société des jacobins, dans la séance du 20 au 21). —Pressé par la foule, le roi monte sur une chaise. Il demande à boire; on lui donne une bouteille; il y boit sans hésiter. On lui présente au bout d'une pique, un bonnet de laine rouge, cette coiffure emblême de la révolte, il la met sur sa tête qu'il semble ainsi achever de dépouiller du diadême. Enfin, ce prince montre tout ce qu'est le courage passif, seul courage dont la nature l'ait doué, ou qu'une éducation mal entendue ait pu développer. La reine et ses enfants échappent ailleurs au dernier danger. Car les assaillants se sont répandus dans tout le château jusqu'aux combles et sur les toits. Plusieurs portes et toutes les armoires de l'appartement de la reine ont été brisées, les serrures enlevées, les panneaux enfoncés, les crochets cassés. L'épouvante est par-tout avec l'appareil du meurtre; mais, soit que Louis XVI ait touché les cœurs par la sérénité de sa physionomie, par la familiarité de ses manières et que chacun s'étonne d'avoir cru voir en lui un ennemi du peuple, soit que les chefs de cette agression restent fidèles aux ordres qu'ils ont reçus, d'avilir et non de renverser en ce jour la royauté; soit encore que l'incertitude et l'irrésolution aient fatigué et vaincu cette multitude; à 6 heures du soir, l'effer

vescence, le tumulte, diminuent, les vociférations ont cessé. Cependant les députés ont reparu sur leurs siéges, à l'heure ordinaire de la séance du soir. Les moteurs du parti girondin se rendent au château. Leur principal objet étant rempli, ils essaient de haranguer au milieu de la foule; lorsque le maire Péthion, le dieu du jour, l'homme du peuple, obtient du silence. Inquiet peutêtre lui-même des suites éloignées de cette tentative, ou se méfiant d'un retour subit de l'opinion, il s'écrie: Mes amis, mes frères, votre modération prouve que vous étes dignes d'étre libres; retirezvous; et je vais moi-même vous en donner l'exemple. Peuple, tu viens de te montrer digne de toi-même; nul excès n'a souillé tes mouvements sublimes; espère et crois enfin que ta voix aura été entendue ; mais la nuit s'approche; des malveillants pourraient se glisser dans ton sein, peuple, grand peuple, retire-toi. La foule obéissante s'écoule aussitôt. Il est neuf heures; le silence règne dans le château.

Les traces de l'agitation ne se trouvent déja plus dans Paris, comme c'est ordinaire, après une fête publique. Même, pendant cette journée, le mouvement habituel n'a point été interrompu; les spectacles ont été ouverts et remplis d'une foule de curieux venant s'y demander des nouvelles. Les Parisiens commentent ces événements, les déplorent, mais sans trop s'accuser de leur inaction.

Ce jour, ce moment est le dernier que la fortune aura présenté à Louis XVI; il n'en profitera pas; et ce nombre choisi de serviteurs zélés qui forment son conseil particulier ne saura non plus y puiser l'occasion d'une détermination vigoureuse. La cour restera obstinément isolée des différents partis dont les efforts se balancent encore, mais pour peu de temps. La royauté n'a pas été renversée; elle a été avilie; et l'adorateur qui ne respecte plus son idole, est bien près de la mettre en pièces.

Plusieurs moyens sont proposés à l'infortuné monarque. On pourrait rassembler autour de sa personne, une force de la garde nationale, à laquelle on redonnerait du ressort, dont on animerait les bonnes dispositions; mais Louis XVI ne lui apparaît point, il ne l'a jamais passée en revue; jamais ceux qui le suivraient avec ardeur un jour d'émeute, ne le virent à cheval. On ne citerait pas un pontife de Rome moderne moins militaire que le roi de France. Louis XIV devait, si la bataille de Denain était perdue, parcourir les rues de sa capitale en excitant les habitants à marcher à l'ennemi; il ne doutait pas de reconquérir ainsi sa couronne. Par un semblable

appel aux Parisiens consternés, et qui conçoivent l'imminence da danger général, Louis XVI embrasserait une grande ressource. L'irruption des faubourgs les surprit, les intimida; mais ils n'en partagèrent point les égarements; ils demandaient un chef, et ne surent pas s'en donner eux-mêmes.

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Instruit des événements de cette journée, la Fayette accourt à Paris són influence serait grande encore, si le roi le secondait, s'il paraissait; mais le roi se tient renfermé aux Tuileries.- La Fayette offre de conduire la famille royale à Compiègne, et de l'entourer d'une armée toute disposée à l'obéissance, quand on lui commande, au nom de la constitution et de la loi, ces deux noms dont l'effet est magique; mais la cour ne veut pas être sauvée par la Fayette, et en refusant l'appui d'une popularité non douteuse encore, elle en précipite le déclin.

La Rochefoucault-Liancourt commande à Rouen quelques régiments dévoués. Il propose au roi de se mettre à leur tête. La province entière voudrait le défendre; elle n'attend qu'un signal. Le signal ne sera pas donné.

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Le vertueux Louis XVI, pénétré d'avoir rempli tout son devoir, en soutenant une épreuve difficile, sans avoir fait de sacrifices, même de promesses, se persuade que ses ennemis ne se porteront pas à d'autres tentatives, et que leur audace est brisée. En vain des serviteurs fidèles, éclairés, et avec eux tous les amis de l'ordre, ont espéré que cette journée aura produit une salutaire révolution dans le caractère du monarque. Bientôt désabusés, ils le voient retomber dans l'indécision, se condamner à l'inertie, attendre enfin sa destinée. On a dit que Louis XVI relisait sans cesse l'histoire de Charles 1o d'Angleterre, espérant échapper au même sort par un systême opposé de conduite. Où Charles avait mis de l'ardeur, de l'opiniâtreté, Louis XVI mettait de la condescendance, de la résignation. Le peu de défenseurs qui sont restés près de lui, de plus en plus étonnés de cette inépuisable longanimité, de cette éternelle inaction, mettront aussi de la tiédeur, de la nonchalance, et même de l'insouciance à le soutenir sur la pente rapide qui l'entraîne vers l'abyme. Juin 22. Proclamation du roi. Elle exprime que la violence ne lui arrachera jamais un consentement aux décrets qu'il jugera contraires à l'intérêt public. C'est à ces protestations écrites que se réduisent les mesures défensives en faveur de la monarchie. Aucun moyen efficace de répression, aucune enquête judiciaire n'auront lieu par suite de l'événement du 20. Le roi fait une proclamation,

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