de bruit et de renommée, n'ont pas craint de faire en quelque sorte le procès aux siècles écoulés, et de citer à leur tribunal les colonnes même et les appuis du sacerdoce, dédaignant, et leur doctrine, et leur génie, et se prétendant eux seuls véritables dépositaires de l'enseignement de la religion, comme si l'Eternel eût abandonné son Eglise à l'esprit de ténèbres et à l'ignorance, pendant tant de siècles; comme si l'Eglise eût pu subsister sans posséder en ellemême, et dans les docteurs qui lui appartiennent, les moyens indispensables de faire connoître et de prouver la vérité. Ce genre d'hostilité contre l'Eglise de Jésus-Christ n'est pas un des moins dangereux pour la foi, dans les circonstances où nous nous trouvons aujourd'hui, puisqu'il réduit ses défenseurs à se combattre entr'eux pour les armes même dont ils doivent se servir, au lieu de leur laisser le calme et l'estime réciproques dont ils ont besoin pour combattre l'ennemi commun. Quels que soient les préjugés qui divisent en ce moment la société et qui ne servent qu'à entretenir parmi les enfans d'une même Eglise et d'une même patrie, des passions dangereuses, toujours est-il vrai qu'ils se rapportent tous à un même but, celui d'affoiblir la foi, en décourageant ses défenseurs, en les livrant aux attaques de l'ennemi, dépouillés de cette force que donnent la justice d'une cause et le nombre de ses partisans. Ecoutons d'abord ces hommes qui méconnoissent la juridiction du chef de l'Eglise et la place qu'il occupe dans les questions importantes de la foi et de la discipline! notre Eglise de France est devenue toutà-fait étrangère à ses anciennes traditions et à son ancienne gloire. Tout ce qui ne partage pas l'esprit de révolte et d'impiété qui les déchaîne contre cette Eglise mère, la maîtresse des autres Eglises, est, à leurs yeux, esclave de la cour de Rome, livré à l'ambition, séduit par les proinesses et par l'éclat des dignités. On diroit, à entendre ces sectaires, que la cause de l'unité catholique ne peut être soutenue qué par des intérêts particuliers, et que tout le monde, à leur exemple, ne consulte que ses passions et sa vanité, dans des discussions qui ont rapport au maintien de la foi. Ne pourrions-nous pas cependant, à notre tour, taxer d'ambition et même de cupidité, ces hommes hardis et téméraires, qui veulent étendre les limites du pouvoir temporel; qui veulent asservir le sacerdoce et ses sublimes fonctions au joug d'une autorité, qui en doit elle-même respecter les attributions divines; qui citent des abus comme des preuves du droit, et des entreprises coupables comme des actes légitimes; qui, plus dangereux que les impies de profession, vont leur fournir des armes contre l'Eglise, aimant mieux, par orgueil, se ménager des complices dans les rangs de l'incrédulité, que des amis et des frères sous l'étendard de la foi; esprits imprudens et bornés, qui ne voient pas le sort qui les attend, si la révolution, dont ils favorisent les principes, vient encore une fois étendre sur notre belle patrie son voile funèbre et soumettre tous les partis à son hideux empire! Comment ont-ils pu oublier que l'échafaud n'a pas plus épargné leurs devanciers que les enfans dociles de la religion, et qu'il a même dévoré ceux qui, pour encenser l'idole révolutionnaire, se sont . lâchement livrés aux excès d'une honteuse apostasie ? Comment ne voient-ils pas que les philosophes qui les louent, qui les caressent, seront les premiers à les immoler, lorsque le bon temps qu'ils espèrent sera revenu, et que, si on les prend pour dupes aujourd'hui, demain on les prendra pour victimes ? Aujourd'hui le génie du mal a organisé ses phalanges, son administration, ses finances. Il a des fonds pour récompenser la révolte et pour l'encourager; et nous en sommes venus au point qu'un traité en faveur de la rébellion peut mener à la fortune, tant les esprits supportent impatiemment le joug de l'autorité, tant l'orgueil règne impérieusement dans notre malheureuse France, aux dépens du pouvoir. Si l'esprit d'anarchie soudoie ses agens, quelle idée pouvons-nous nous former de ceux qui le servent ? Viendront-ils encore nous vanter leur désintéressement et leur indépendance? Les Tablettes du Clergé, cominencées il y a cinq ans, ne devoient être consacrées d'abord qu'à recueillir tous les faits, tous les documens, tous les écrits qui pouvoient intéresser les ministres des autels. La destinée de ce recueil étoit donc de rester comme immobile au milieu des partis qui agitent notre Eglise, et d'en publier les opinions sans entreprendre de les juger. Que dis-je ? notre impartialité alla jusqu'à consigner, dans nos cahiers, les opinions les plus opposées, souvent sur la même question, et les lecteurs superficiels qui oublioient que les Tablettes ne devoient être qu'un recueil d'écrits de diverses couleurs, ont eu la bonhomie, ou, si l'on veut, la méchanceté de nous accuser d'être en contradiction avec nous-mêmes; admirable découverte qui prouve avec quelle légèreté on juge aujourd'hui et les hommes et les choses! Nous ne pouvions cependant rester impassibles au milieu de ces passions opposées qui, dans leurs attaques réciproques, dirigeoient aussi leurs traits contre notre entreprise, et, ce qui est plus injuste encore, contre nos intentions et nos doctrines. Les Tablettes cessèrent bientôt d'être un simple recueil de productions et d'opinions qui leur fussent étrangères. Les rédacteurs, placés entre les divers partis dont ils se contentoient d'observer la marche et les intérêts, se trouvèrent dans la nécessité de les combattre les uns et les autres, avec les armes qui conviennent aux amis de la vérité; laissant à leurs adversaires le domaine des personnalités, des calomnies et des injures, ne voulant connoître que les erreurs, et non les hommes, et cherchant à se garantir même des saillies de la vanité que pouvoient faire naître les suffrages de correspondans estimables dont la bienveillance et les encouragemens ont soutenu jusqu'ici nos pénibles efforts. Lorsqu'une fois les habitudes et les croyances qui maintiennent l'état social, sont détruites et méconnues, les erreurs, comme les intérêts, se montrent sous des couleurs diamétralement opposées, et il n'est pas étonnant de trouver dans la même génération les opinions et les systèmes qui ont appartenu aux siècles les plus éloignés les uns des autres. Ainsi, tandis que l'esprit d'indépendance soulève contre l'autorité de l'Eglise, des sectaires hardis, auxquels les désastres de la révolution n'ont donné aucune leçon utile, des hommes recommandables, dignes certainement de l'estime des gens de bien, n'envisageant dans cette révolution que le résultat inévitable de l'indépendance de l'esprit et du cœur, ont cru que, pour remédier à tant de maux et pour en prévenir le retour, il étoit nécessaire de refaire la société toute entière, et même de réformer l'homme, en lui donnant en quelque sorte une nature différente de celle qu'il avoit reçue de son divin auteur. Cette entreprise, qui ne pouvoit être conçue que par des âmes vertueuses, eût mérité les encouragemens de tous les amis de l'ordre, si elle n'étoit pas une chimère, si même, contre l'intention, sans doute, de ceux qui l'ont cru possible, elle n'étoit pas une sorte d'outrage contre la Providence qui auroit laissé pen 1 dant tant de siècles, le sacerdoce et la royauté dans l'iguorance complète des vérités essentielles à leur conservation. sance, Sans doute, l'homme n'est placé sur la terre que pour se soumettre à l'autorité et en suivre les décrets. Incapable par lui-même de s'élever à la connoissance de ses devoirs et de sa destinée, il ne seroit rien, il ignoreroit toutes vérités morales, si Dieu ne les lui avoit révélées; il seroit semblable aux animaux brutes qui n'ont pas d'intelligence. C'est pour le rendre capable d'atteindre la fin pour laquelle il existe, que Dieu lui a donné la parole, c'est-à-dire, le moyen d'exprimer ses idées et d'en acquérir. Toute connoistoute vertu, toute science remontent jusqu'à Dieu : Deus scientiarum dominus est, et ipsi præparantur cogitationes. C'est pour cela que chacun de nous doit se dire à soi-même : Quid habes quod non accepisti? Il ne peut donc y avoir de difficulté sur le principe de tout pouvoir et de toute lumière; on ne peut disputer que sur l'application de ce principe; et comme l'Eternel ne se révèle pas immédiatement à l'homme sur la terre ; comme il ne parle pas directement à son âme, et que, contre la prétention des sceptiques du dernier siècle, il fait dire à l'homme ce qu'il veut qu'il fasse; toute l'occupation de l'homme doit être de connoître et d'écouter les interprètes du Très-Haat, les organes de sa volonté sainte. Le genre humain ne pouvoit être à lui-même son autorité, puisqu'il a été nécessaire que Dieu lui donnât la révélation; il étoit incapable de conserver les premières traditions essentielles à l'homme, puisqu'il a fallu que Dieu prescrivît une loi et envoyât des prophètes et un rédempteur, pour rappeler l'homme aux traditions primitives/et pour le sauver. Le genre humain ne pouvoit donc donner à l'homme le moyen d'arriver à sa destinée. Il devoit recevoir d'en-haut la lumière nécessaire pour se conduire luimême, et il n'en étoit point la source. Ce n'est pas le genre humain qui s'est dit à lui-même; c'est Dieu qui a dit à tous les hommes: Audite, omnes gentes, auribus percipite omnes qui habitatis orbem. Autrement il faudroit reconnoître que la révélation de Dieu faite à l'ancien Israël, et à la race choisie des chrétiens, n'est que l'expression de l'autorité de tous les hommes et que le genre humain a donné la révélation, au lieu de la recevoir; qu'il a commandé comme autorité, et qu'il n'obéit à aucune autorité manifestée, depuis son existence, par des témoignages Tome 11. ... éclatan's, puisqu'il étoit une autorité infaillible, avant cette manifestation divine. La nouvelle école ne trouve donc d'autre principe de toutes nos connoissances, en morale et en religion, que dans le témoignage de tous les hommes dispersés sur la face de la terre. Mais alors, quelle place peut occuper la manifestation particulière de la volonté de Dieu, dans l'espace des siècles et dans cet immense univers qui les voit s'écouler et disparoître ? Il est de foi que Dieu a parlé à Moïse et au peuple hébreu. Est-ce le genre humain qui nie garantit la parole de Moïse, ou la parole de Moïse qui commande au genre humain ? Dois-je écouter le législateur du peuple de Dieu, ou les hommes qui ne le connoissent pas, qui n'en ont jamais entendu parler? Est-ce l'autorité de tous les peuples du monde qui a prêché l'Evangile, ou l'Evangile a-t-il été prêché à tous les peuples? S'il en est aujourd'hui un si grand nombre, ou plutôt, si le plus grand nombre méconnoît l'Evangile, sera-ce à l'autorité de la plus grande partie du genre humain que je m'adresserai pour connoître ce livre sacré et pour en interpréter les sublimes oracles? N'est-il pas nécessaire qu'il y ait pour moi entre l'Evangile et les enfans des hommes qui l'ignorent, un tribunal infaillible pour me diriger dans une science aussi essentielle que celle qui a rapport à mon salut ? Et dans ce cas, que devient l'autorité de tous les hommes, que devient la raison universelle ? L'Eglise catholique est donc la raison universelle, ou la raison universelle forme la catholicité, et alors quel monstrueux mélange d'erreurs et de mensonges dans cette catholicité! Il ne s'agit point ici de montrer toutes les funestes conséquences que l'impiété peut déduire de ce système, et combien il favorise l'indifférentisme. Les disciples de la nouvelle école, par leurs erreurs et sur la nature et sur les attributs de l'autorité, ont déjà suscité contre la religion assez de persécutions et assez de blasphêmes, pour que nous nous occupions du mal présent, avant de rien présager pour l'avenir. Prétendre que le genre humain tout entier, que le chinois, le scandinave, l'indien et le canadien sont dépositaires de la foi, est une erreur qui peut ne pas causer une grande ruineur parmi les ennemis de la religion catholique; elle peut même leur être agréable. Mais enseigner qu'il n'y a, de droit divin, qu'une autorité sur la terre, et vouloir soumettre tous les sceptres du monde, ? |