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Il avoit mis la religion au rang des autres branches de l'administration politique, comme si elle n'eût été qu'un département d'institution humaine qu'il pouvoit ranger, et qu'il rangea en effet dans la même catégorie que celui de la police, des finances et de la guerre.

Il porta même à cet égard l'oubli de toutes les bienséances, jusqu'à dire un jour que le pape étoit le général de son armée presbytérienne, les cardinaux ses généraux de division, les évéques ses colonels, et les curés ses soldats.

Dans le fait, il ne considéroit les évêques que comme de simples fonctionnaires publics, révocables à volonté, et non moins dépendants de lui que les préfets et les officiers de son palais.

Le saint-père lui fit à ce sujet de vives remontrances, qui restèrent sans réponse et sans effet.

Pour ne plus entendre parler du pape et de ses remontrances, il résolut de mettre à exécution le plan qu'il avoit conçu depuis long-temps, et qu'il n'avoit jamais perdu de vue; savoir, de se déclarer chef spirituel et temporel de son vaste empire, de secouer le joug de l'église romaine, et de s'emparer des états qui, depuis Charlemagne, en composoient le domaine.

Avant d'employer la force ouverte, il essaya une de ces ruses qui lui étoient si

1808.

Démêles

avec le

pape.

1808.

familières : il fit au pape plusieurs demandes artificieuses, dont la réponse devoit placer le saint-père dans l'alternative de son déshonneur, s'il donnoit son consentement, ou de sa ruine, s'il le refusoit.

Ces demandes portoient en substance, 1° l'établissement en France d'un patriarche indépendant de la cour de Rome;

2o L'abolition en Italie, comme en France, de tous les ordres réguliers de l'un et de l'autre sexe;

3o La suppression du célibat pour les ecclésiastiques;

4o La liberté indéfinie, et l'exercice public de tous les cultes;

5o La publication du code Napoléon dans les états de l'église ;

6o Le couronnement de Joseph, roi de Naples, par les mains du saint-père.

Ces six propositions furent soumises à la délibération du sacré collège, et rejetées à l'unanimité.

On s'y attendoit aux Tuileries; et dès que la nouvelle en fut parvenue officiellement, une armée françoise, rassemblée dans la Lombardie, reçut l'ordre de marcher sur Rome. Elle entra dans cette ville le 2 février 1808, désarma la garnison, s'empara du château St.-Ange, et plaça une batterie de canons devant la porte du palais Quirinal, où le saint-père s'étoit retiré.

Le saint-père n'avoit ni les moyens, ni le desir de s'opposer à ces violences, mais il fit les protestations qu'il devoit faire : il écrivit à l'empereur avec une fermeté, que jusqu'alors il n'avoit pas montrée.

<< Foulant aux pieds tous les devoirs sacrés, lui dit-il, vous abusez de la force que vous avez entre les mains pour faire tous les jours de nouvelles victimes; mais songez-y bien, nous pouvons nous lasser de l'injustice, et faire usage à notre tour de cette force morale que le Tout-puissant a remise entre les nôtres, pour arrêter ou punir les entreprises, des méchants, et vous serez responsable de tous les maux qui en résulteront. »

L'empereur répondit à cet avertissement par une note, dans laquelle il prévenoit le saint-père qu'il regarderoit comme une déclaration de guerre le refus de quiconque ne s'uniroit pas à lui contre les Anglois. La note étoit terminée par ces

mots :

« Le premier résultat de la guerre est la conquête; et le premier résultat de la conquête, c'est le changement de gouverne

ment. »

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Ce langage étoit clair. Le saint-père l'entendit, et fit dire pour toute réponse, qu'en sa qualité de prince temporel il ne reconnoissoit pour ennemis que ceux qui, au milieu de la paix, étoient entrés dans

1808.

1808.

Réunion

la capitale de ses états à main armée, et qui le retenoient prisonnier dans son palais; mais qu'en sa qualité de ministre d'un Dieu de paix, il ne pouvoit et ne vouloit faire la guerre à personne.

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Napoléon n'attendit pas même cette rédes états plique; il étoit las de ce qu'il appeloit des du pape à ménagements. Par une dernière décision, l'empire en date du 17 mai 1809, il prononça rêt suivant :

françois.

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l'ar

« Les états du pape sont réunis à l'empire françois.

« Le gouvernement constitutionnel y sera mis en vigueur avant le 1er jan

vier 1810.

« Les revenus du saint-père seront portés à deux millions de francs, libres de

toute retenue. »

Ce fut alors que le saint-père adressa à toutes les puissances de l'Europe cette lettre fameuse qui désola si fort son ennemi, et dans laquelle il disoit :

<< Ils sont enfin accomplis, les desseins ténébreux des ennemis du saint-siége. Ils nous ont dépouillé de nos états et de notre pouvoir temporel, avec lequel notre indépendance spirituelle étoit étroitement liée.

« Nous protestons contre cette nouvelle et violente spoliation, et nous déclarons nulle l'occupation qui vient d'être faite de nos domaines.

« Nous rejetons, de la manière la plus 1808. formelle, toute rente ou pension que l'empereur des François prétendroit faire à nous et aux membres du sacré collège..... Nous nous couvririons d'opprobre à la face de la terre, si nous consentions à tirer notre subsistance des mains de l'usurpateur de nos états........... »

Le saint-père ne se contenta pas cette fois-ci d'une simple protestation. Le temps des ménagements étoit passé pour lui, comme pour son ennemi: il s'arma des foudres de l'église, et lança contre lui l'excommunication dont il l'avoit menacé.

On croira facilement que celui qui avoit renié Dieu à l'Institut, et Jésus-Christ au pied des Pyramides, devoit, pour soncompte, faire très peu de cas des foudres de l'église; mais il craignit l'effet qu'elles pouvoient produire sur l'esprit des peuples : il défendit sévèrement qu'on en parlât, soit en public, soit en particulier; et ses ordres furent exécutés ponctuelle

ment.

Il craignoit également que le saintpère, dont les malheurs immérités et la noble résignation excitoient le plus vif intérêt dans toute l'Europe, ne se retirât en Autriche ou en Espagne. Il le fit enlever secrétement par un détachement militaire, et conduire d'abord à Grenoble, puis à Savone, puis enfin à Fontainebleau. Nous

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