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contraire et auquel il étoit loin de s'attendre; il consterna ses partisans et combla de joie ses ennemis.

1815.

mesures.

Sa fortune l'abandonnoit, les jacobins Il prend le contreminoient, les royalistes avoient de fausses cessé de le craindre, l'humeur le gagna: et, dans son humeur, il prit trois mesures violentes qui révélèrent le secret de sa foiblesse.

1° Il mobilisa la garde nationale, et crut s'être donné par-là une armée de deux millions d'hommes; mais la garde nationale, instituée pour défendre ses foyers, déclara par-tout qu'elle resteroit fidèle à son institution.

2o Il ordonna de fortifier Paris, ce qui supposoit deux choses, d'abord que les alliés pouvoient y arriver, ce qu'il n'avoit pas encore dit; ensuite qu'il avoit le projet de s'y défendre, ce qui ne donnoit pas une haute idée de son amour pour sa capitale.

3° Il renouvela la trop fameuse loi des suspects, en déclarant ennemis de l'état tous ceux qui seroient convaincus, ou seulement soupçonnés d'entretenir des correspondances avec l'étranger, de tenir des propos contre le gouvernement, et de conserver de l'attachement pour la famille des Bourbons.

Le décret qui prescrivoit ces mesures étoit précédé d'une instruction adressée à

1815.

ceux qui, par leurs places, étoient chargés de leur exécution.

« Ces mesures, leur disoit-on, confiées à votre zéle et à votre patriotisme, sont aujourd'hui, comme aux premiers jours de la révolution, le gage le plus sûr de nos libertés, la garantie la plus efficace de notre indépendance.

"

L'empereur ne pouvoit mieux éclairer l'Europe sur la véritable situation, l'opinion et la volonté du peuple françois, qu'en le rappelant au sentiment de ses propres forces, par leur déploiement le plus étendu, qu'en mettant la capitale de l'empire à l'abri des surprises et des trahisons, qu'en séparant le bon grain de l'ivraie, etc.. »

Pour accélérer les levées d'hommes et d'argent que, de son autorité privée, il imposoit aux départements, il y envoya des commissaires extraordinaires, revêtus des pouvoirs les plus étendus, et choisis parmi ceux des sénateurs et conseillers d'état, auxquels il reconnoissoit plus d'adresse et de talents. Vaine précaution! Leur adresse et leurs talents ne purent déterminer les habitants à faire de nouveaux sacrifices.

Lui-même ne fut pas plus heureux dans l'essai qu'il fit de sa popularité sur les faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marceau, qu'il osa convoquer aux Tuileries.

Avoit-il oublié que ces hommes qu'il convoquoit, dans sa détresse, étoient les mêmes que, vingt-trois ans auparavant, Danton et Robespierre avoient lancés contre le malheureux Louis XVI?

Ils répondirent à son appel, et arrivèrent sur la place du Carrousel. Il alla audevant d'eux, dans l'intention de les haranguer; mais, en les voyant de près, il fut effrayé de leur accoutrement et de leurs figures: il essaya quelques paroles, qui se perdirent dans l'air, ou qui furent étouffées par leurs cris. Il rentra, en laissant à quelques uns de ses officiers le soin de leur dire qu'ils étoient les bien venus, et que l'empereur vouloit les réunir sous les drapeaux d'une FÉDÉRATION NATIONALE. On leur distribua de l'argent, et ils se retirèrent.

A tout événement, il avoit fait charger quatre pièces de canon et mettre sa garde sous les armes.

En le voyant descendre à ce degré d'abjection, sa garde elle-même fut consternée: ses courtisans prirent l'alarme ; ses ennemis jugèrent qu'il étoit perdu.

Le temps de l'illusion étoit passé. Le héros avoit disparu : la postérité commençoit pour lui.

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18.5.

Les républicains eux-mêmes, qu'il faut Opinion bien se garder de confondre avec les jaco- des répubins, les hommes dont le cœur avoit tres

blicains.

1815.

sailli aux accents de liberté, que sa présence avoit excités et fait retentir des rives de la Méditerannée à celles de la Seine, se rappelèrent alors que ce prétendu défenseur de leurs droits étoit celui qui, le 18 brumaire, les avoit anéantis et sacrifiés à son ambition; que c'étoit lui qui avoit proscrit, sous le nom d'idéologues, les philosophes du dix-huitième siècle et les libéraux du dix-neuvième; que c'étoit lui qui avoit consacré les principes du pouvoir absolu dans les prétendues constitutions de l'empire; que c'étoit lui enfin qui, sous le nom de dotation, avoit rétabli le régime féodal, qu'ils avoient en hor

reur.

Alors tomba pour eux, comme pour tout le monde, le voile qui les avoit abusés. Ils cessèrent de croire à son patriotisme ainsi qu'à sa bonne foi. La baguette magique étoit échappée de ses mains. En reparoissant aux Tuileries avec le costume impérial, le ton, l'air et le langage de l'empereur, ce n'étoit plus qu'un rôle qu'il jouoit; c'étoit une fiction, et non plus la réalité qu'il offroit à leurs yeux ce n'étoit plus lui, c'étoit son image qu'ils regardoient, tantôt avec inquiétude, et plus souvent avec indifférence.

Entre sa cour et le peuple, il se formoit une sorte de confédération d'hommes éclairés, qui l'observoient en silence, qui

l'étudioient dans ses mouvements, qui le pénétroient jusque dans son repos, qui s'attendoient au désaveu prochain de ses belles promesses, et se préparoient à la lutte dont ce désaveu devoit être le signal.

1815.

Ce signal fut donné le 22 avril 1815, Acte addipar la publication de l'acte additionnel tionnel. aux constitutions de l'empire; œuvre clandestine, écrite par de bas valets, sous la dictée d'un maître irrité (1). Dans cet acte, on voit le despotisme honteux de luimême, couvert d'un voile transparent, tourmenter les principes, déguiser ses intentions, et approfondir la doctrine de Machiavel. Tous les partis en furent éga, lement mécontents: tous s'en plaignirent par divers motifs. Les uns remarquèrent que, par des sous-entendus perfides, cet acte anéantissoit en effet les droits de la nation qu'il proclamoit avec ostentation : les autres lui reprochèrent de n'être qu'une servile imitation de la charte royale. On en fit des critiques amères d'un côté, des caricatures bouffonnes et des chansons de l'autre.

Voici ce qu'on lisoit dans le préambule:

Depuis que nous avons été appelé, il ya quinze ans, par le vœu de la. France

(1) Irrité des obstacles imprévus qui l'arrêtoient à chaque pas. Son caractère, naturellement irascible, l'étoit devenu davantage par les efforts même qu'il faisoit pour en dissimuler la violence.

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