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» c'est à Napoléon. Il a porté le fer et le feu dans mes

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États, il a brûlé mes villes, allez dire à Paris que je >> veux y entrer non en barbare, mais en ami. Son sort est » dans ses mains. » Joseph, en entendant le récit de cette entrevue, comprit que toute résistance contre de telles forces réunies perdrait la capitale sans sauver l'Empire. Cependant, après avoir donné l'ordre de parlementer, il le retirait encore sur la foi d'autres renseignements. A midi, l'armée de Blücher et l'armée autrichienne débouchèrent, l'une au midi, l'autre au nord, dans les plaines de Montmartre et de la Seine. Marmont combattait toujours, et chacune de ses irruptions du pied des hauteurs faisait refluer l'ennemi, Mais les masses revenaient remplacer les masses. Les batteries se rapprochaient, les obus éclataient sur la tête de Joseph et de son état-major. Il envoie un aide de camp à Marmont pour lui ordonner de capituler. L'impossibilité de trouver ce maréchal lancé un des premiers au milieu du feu, et de franchir l'espace criblé de projectiles qui séparait les tirailleurs, retarda les parlementaires. Le bruit du canon se rapproche. Les ennemis, dépassant à la fois Montmartre et Belleville, peuvent entrer d'assaut dans une ville désarmée sur les ordres de ses rares défenseurs.

III.

Joseph cependant voulut tromper jusqu'au dernier moment Paris, pour que la sédition qui couvait dans les cœurs contre l'Empire n'éclatât pas, du moins, sous les pas des frères de Napoléon. Il leur adressa une proclama

tion dans laquelle il présentait les cinq armées réunies des alliés comme une colonne égarée venant de Meaux et poursuivie par l'empereur. Une fois que le despotisme s'est condamné au mensonge, il est obligé de mentir jusqu'à sa dernière heure. « Armons-nous, disait-il, je >> reste avec vous! Défendons cette grande ville, ses >> monuments, ses richesses, nos femmes, nos enfants, et » que l'ennemi trouve sa honte dans ces murs qu'il >> espère franchir en triomphe!» Les Parisiens oisifs, répandus sur leurs boulevards et dans leurs jardins publics, lurent ces paroles. Ils y crurent un moment. L'empereur, se disaient-ils les uns aux autres, attaque en ce moment par derrière ces téméraires avant-gardes de la coalition. C'est son canon que nous entendons retentir. Ce sont ses boulets qui tombent jusque sur nos toits. Il ramène la fortune un moment égarée. Tels étaient les entretiens des partisans de Napoléon, obstinés de son génie, dans l'intérieur de Paris, alors que les hommes de cœur et de patriotisme mouraient sous les dernières décharges des Russes sur les hauteurs de Belleville et de Ménilmontant.

IV.

Pendant ce moment de confiance que la proclamation de Joseph donnait à la ville, ce prince, son frère Jérôme, le ministre de la guerre Clarke, descendant des hauteurs de Montmartre, s'éloignaient de toute la vitesse de leurs chevaux par les boulevards extérieurs et traversaient le bois de Boulogne pour gagner Blois. Les hommes les plus compromis dans le gouvernement de Napoléon les

suivaient. Il ne restait plus à Paris de toute cette cour que les maréchaux qui en défendaient les portes. L'Empire n'était plus qu'un quartier général réduit à capituler pour sauver ce grand foyer de la patrie.

Mortier, attaqué vers midi par les forces irrésistibles de deux armées, n'avait plus de munitions pour combattre. Il allait être coupé de Marmont, enveloppé, refoulé jusque dans les rues de Paris changées en théâtre de carnage. Il maudissait de ses imprécations cette ombre de gouvernement qui s'enfuyait en laissant ses derniers soutiens sans renforts, sans canons, sans poudre. Il reçut enfin l'ordre de Joseph. Il se hâta d'écrire sur un tambour, au milieu du feu, quelques lignes au prince de Schwartzenberg. « Prince, disait Mortier, épargnons >> un sang inutile. Je vous propose une suspension d'ar» mes de vingt-quatre heures pendant laquelle nous trai» terons pour épargner à la ville de Paris les horreurs >> d'un siége. Nous nous y défendrons autrement jusqu'à » la mort. »

Le généralissime autrichien se hâta d'accepter la proposition de Mortier. Le feu cessa de ce côté. Marmont, quoiqu'il eût reçu enfin l'ordre de capituler, continuait à se défendre. La confusion des mouvements, l'impossibilité de communiquer au milieu des balles, l'élan des volontaires et des élèves de l'école polytechnique qui servaient son artillerie jusqu'au dernier boulet, empêchaient de s'entendre. Blücher, pendant ces derniers engagements de Marmont, gravissait les hauteurs de Montmartre et y tournait ses batteries contre Paris. Le maréchal, voyant la capitale sous le feu des Prussiens, envoya le colonel Labédoyère porter des propositions

semblables à celles de Mortier au quartier général des alliés. Le cheval de Labédoyère et celui de son trompette furent tués au moment où ils débouchaient dans la plaine. Sept fois les officiers qui tentèrent de franchir en parlementaires l'espace entre les deux armées, roulèrent avec leurs chevaux dans la poussière. A cinq heures du soir seulement, un aide de camp, M. de Quélen, parvint au village de Bondy, quartier général d'Alexandre et du roi de Prusse. Ces princes renvoyèrent l'aide de camp avec une escorte jusqu'aux avant-postes russes à la Villette. Là, sur la table d'un cabaret, au bruit des dernières fusillades, une suspension d'armes de quatre heures fut signée.

Alors que M. de Quélen éteignait ainsi le feu, Marmont, animé par le combat, par la présence de Paris, et par le sentiment du service suprême qu'il essayait de rendre à son empereur et à l'ami de sa jeunesse, restait le dernier dans la grande rue de Belleville, disputant poste par poste les maisons de ce faubourg à l'ennemi. Son épée brisée, un fusil de tirailleurs à la main, son chapeau et ses habits percés de balles, le visage noirci de la fumée du combat, celui qu'on devait appeler le lendemain le premier des traîtres, était le dernier des héros. Il cherchait la mort comme par un pressentiment des doubles devoirs entre lesquels il allait se trouver placé, et où sa renommée de fidélité et de patriotisme devait s'éclipser longtemps pour son pays. La mort lui manqua. Pendant que ses tirailleurs embusqués dans les jardins et dans les maisons d'un des côtés de la rue se fusillaient par-dessus sa tête avec les Russes déjà maîtres de l'autre côté, une poignée de grenadiers s'élança pour envelopper et sauver

son général. Ils se replièrent avec lui en combattant, pas à pas, jusqu'à la barrière. Le bras en écharpe, une main percée, les cadavres de cinq chevaux tués sous lui dans la journée, attestaient assez que s'il ne fit pas assez le lendemain pour l'Empire, il avait assez fait ce jour-là pour la gloire et pour la patrie. Sans cette poignée de grenadiers, l'armée n'aurait rentré que le cadavre de son général dans les murs de Paris.

V.

Le silence du canon apprit à la ville que l'armistice était signé. Les troupes se replièrent au nombre de dixsept mille hommes derrière les murs. Le peuple des faubourgs les reçut avec des larmes de patriotisme et d'admiration. On oubliait leur cause. On s'attendrissait sur leur héroïsme. La France pardonna tout au courage malheureux. Napoléon lui-même, maudit et exécré quelques semaines avant, aurait eu un triomphe dans sa défaite, s'il fût rentré en un tel moment dans sa capitale. La pitié éteint la haine; le peuple était attendri; il pardonnait. Mais l'opinion du centre de Paris ne pardonnait pas. La France, lasse de sacrifices et de dangers pour son empereur, pensait à elle-même. On se demandait s'il faudrait sacrifier à cet homme jusqu'aux cendres de la capitale. Les principaux citoyens de Paris prenaient conseil de leur intérêt, de leur fortune, du salut de leurs femmes, de leurs enfants. Le gouvernement disparu avec Joseph, Cambacérès, Regnault de Saint-Jean-d'Angely, les ministres, les grands courtisans de l'empereur, l'opi

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