Sidebilder
PDF
ePub

sol et par le foyer de chaque citoyen sous ses pieds? Napoléon, en prenant un tel parti, eût été aussi prodigieux dans sa concentration que dans ses conquêtes. C'était le grand Frédéric agrandi par l'immensité des forces des ennemis et de la destinée. Napoléon entrevit cette résolution; il fallait pour la prendre non un plus vaste génie, mais une plus grande âme que la sienne. Il fallait sacrifier son orgueil à sa véritable gloire, renoncer à luimême pour sauver la patrie, sacrifier ses couronnes de famille et les provinces possédées, pour rendre Paris invincible. Cet héroïsme lui manqua. Il disputa avec la nécessité. Elle n'obéit qu'à celui qui va au-devant d'elle. Il donna des illusions à son âme, il prêta des heures au temps contre lui. Il fut timide avec les partis extrêmes dans des circonstances qui lui commandaient les dernières extrémités du caractère et du génie. Le trône l'avait amoindri. Il fut au-dessous du rôle que sa c'estinée lui offrait. L'homme d'État manqua, mais le soldat restait; il remplaça en lui le général.

XXXII.

Soixante-dix mille combattants composaient la seule armée qu'il eût à faire manœuvrer et à faire combattre au centre de la France contre un million d'hommes. La victoire même ne pouvait rien pour un si petit nombre. Elle devait l'user un peu moins promptement que la défaite, voilà tout. Comptait-il sur l'impossible, ou ne voulait-il qu'illustrer sa dernière lutte? Nul ne sait ce qui se passa dans cette âme acharnée depuis quelques années

aux illusions. Le plus vraisemblable, c'est qu'il comptait sur quelques succès éclatants, mais passagers, qui auraient servi de prétexte à l'empereur d'Autriche pour négocier avec lui. Il ne crut jamais qu'un père déshonorerait son gendre, et que les rois détrôneraient le vainqueur de la révolution. Il ne doutait pas au moins que, même vaincu et écarté lui-même du trône, l'Empire ne fût pas transmis à son fils.

Il arriva à Châlons le 25 janvier, roulant ces pensées dans sa tête. Des cris de Vive l'Empereur! à bas les droits réunis! l'accueillaient partout sur sa route. Le peuple, ému et mécontent à la fois, protestait du même cri de son enthousiasme pour le guerrier et de sa lassitude de la tyrannie.

LIVRE DEUXIÈME.

[ocr errors]

Campagne de 1814.- Plan de Napoléon-Marche de l'empereur sur SaintDizier à la rencontre des alliés. Napoléon se replie sur Brienne. Combat de Brienne. Jonction de Blücher et de Schwartzenberg. Bataille de la Rothierre. - Combat de Marmont à Rosnay. - Napoléon se rend à Troyes. - Son séjour et ses hésitations à Troyes. Congrès de Châtillon. 1 Caulaincourt. Ultimatum des souverains alliés le 8 janCorrespondance de l'empereur et de Joseph. - Blücher se replie sur Châlons et marche sur Paris. -Napoléon se porte sur Champ Aubert pour arrêter Blücher. Combat de Champ-Aubert. -Bataille de Montmirail. -Bataille de Vauchamp. - Napoléon retire à Caulaincourt l'auSchwartzenberg menace Paris et descend Napoléon court à lui. - Bataille de Mon

vier.

torisation de signer la paix.

par la vallée de la Seine.

tereau. - – Napoléon rentre à Troyes le 23 janvier Manifestation roya

liste.

Exécution du chevalier de Gouault.

I.

Les généraux laissés sans forces suffisantes sur les bords du Rhin avaient d'abord cherché à fermer, au moins, les gorges des Vosges et de l'Alsace, ces avenues de nos plaines. Noyés, tournés et compromis, ils s'étaient repliés à pas lents jusqu'au revers de ces montagnes qui regardent la France. Quatre cent mille hommes, Russes, Prussiens et Autrichiens, les suivaient de près en se grossissant tous les jours des nouvelles colonnes qui passaient le Rhin. Ces quatre cent mille hommes formaient deux armées, l'une sous les ordres de Schwartzenberg, l'autre sous le commandement de Blücher. Après avoir inondé le bassin du Rhin, l'Alsace, la Franche-Comté, les vallées des Vosges, la Lorraine, elles se dirigeaient lentement l'une vers l'autre, pour se réunir, comme les armées d'At

tila, à Troyes, capitale de la Champagne. L'empereur s'imitant lui-même, comme il arrive aux génies épuisés, avait résolu de s'interposer hardiment entre ces deux armées, de livrer bataille séparément à chacun de ses ennemis avec cette poignée de combattants désespérés, de les écarter le plus loin possible, l'un à gauche vers ses places du Nord, l'autre à droite vers Lyon, et de profiter contre chacune de ces armées ainsi aventurées dans l'intérieur, des hasards de la victoire, des paniques de la défaite et des enthousiasmes de l'insurrection nationale sous les pas de l'étranger. Ce plan, bien qu'inférieur à celui de la concentration inspiré aux nations comme à l'individu par la lutte défensive, aurait pu se concevoir si l'empereur avait eu au moins une armée égale de nombre à la moitié ou au quart de chacune des armées qui marchaient à lui. Mais le jour où il arrivait à Châlons, les alliés comptaient déjà quatre cent mille soldats en France. Cinq cent mille autres descendaient derrière cette avantgarde des Alpes, des Pyrénées, des Vosges et du Jura. Une campagne ainsi conçue n'était donc plus qu'une aventure héroïque. Elle allait prodiguer le reste du sang de ses braves compagnons, illustrer une chute, anéantir une nation.

Napoléon avait fait pivoter tout ce qui lui restait de sa garde et de ses nouvelles levées sur Châlons.

II.

Les têtes de colonne de l'armée russe et prussienne, commandée par Blücher, touchaient Saint-Dizier. Les avant-gardes de l'armée autrichienne de Schwartzenberg

« ForrigeFortsett »