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II.

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Rien ne survint dans la nuit qu'un second aide de camp de Schwartzenberg, apportant une demande plus précise d'ouvrir des conférences pour un armistice précurseur de paix. Napoléon en fixa le siége au village de Lusigny entre Vandæuvre et Troyes. Un de ses plus brillants officiers, M. de Flahaut, y fut envoyé par lui. M. de Flahaut y trouva trois généraux des alliés chargés de s'entendre avec lui sur les préliminaires d'un armistice. C'était le général Duca pour l'Autriche, le général Schouwalof pour la Russie, le général Rauch pour la Prusse. Pendant que ces généraux discutaient les bases d'une suppression d'hostilités et les zones de la France sur lesquelles elle devrait s'étendre, Napoléon, plus confiant dans un succès que dans une négociation, reformait ses colonnes d'attaque pour achever la déroute de la grande armée autrichienne. Il avait commencé ses premières marches.

Un bruit de désastre rappela son attention et ses pas derrière lui. Ce bruit venait de l'armée de Blücher.

Les généraux York et Saken, coupés des corps d'armée du général en chef prussien par les batailles de Montmirail et de Vauchamp, s'étaient précipités au nombre de quarante ou cinquante mille hommes dans les plaines ouvertes devant eux, poursuivis par Mortier détaché seulement avec quelques milliers d'hommes. Mais la victoire augmentait leur nombre. Ils suffisaient pour disperser un débris d'armée vaincue, égarée sur un

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sol ennemi. Ces débris cherchaient à passer l'Aisne à Soissons pour se réfugier vers le Nord et se renouer à l'armée de Belgique. Ils arrivèrent sous les murs de Soissons en même temps que le général Woronsof, commandant de l'armée d'invasion du Nord, y arrivait par une autre route. Le général Rusca, en essayant de défendre Soissons, fut tué sur la brèche. Les deux armées de Saken et de Woronsof firent leur jonction dans la ville conquise. Fortifiées par cette jonction, elles reprirent courage et se replièrent sur Châlons pour rejoindre l'armée refoulée de Blücher, leur général en chef. Blücher ainsi recruté reprit, avec soixante mille hommes, sa route deux fois interrompue vers Troyes pour voler au secours de Schwartzenberg. Il rencontra Napoléon à Méry-surSeine. Un choc terrible signala ce confluent de deux armées qui ne s'attendaient pas à se rencontrer. La ville de Méry-sur-Seine s'écroula sous les boulets et s'incendia sous les obus des deux corps d'armée. Elle resta comme une ruine du désert avec ses murailles noircies et ses maisons fumantes sur les bords de son fleuve.

Blücher, repoussé une troisième fois par ce choc inattendu, fléchit, renonça à sa jonction avec les Autrichiens, reprit la vallée de la Marne, et s'élança sur Paris pour rappeler Napoléon de ce côté à la défense de sa capitale.

Mortier et Marmont, avec deux faibles corps de sept mille hommes chacun, égarés entre Paris et la Marne, se repliaient lentement sur Paris. Ils n'avaient plus d'autre but que de disputer des jours et de faire du temps aux grandes maneuvres de l'empereur.

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III.

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A ce bruit, Napoléon tremblant pour sa capitale et pour son gouvernement, abandonne les Autrichiens à eux-mêmes, traverse avec ses colonnes reposées tout l'espace compris entre Troyes et Sézanne, et se prépare à frapper de nouveau par derrière Blücher aux environs de Meaux, pendant que Mortier et Marmont l'attaqueront de front. Déjà reparti de Sézanne, il touchait à la Ferté-sous-Jouarre, position où Blücher était arrêté par Marmont et Mortier. L'armée prussienne anéantie allait être le trophée de cette course. Délivré d'elle, Napoléon était sûr de triompher facilement des Autrichiens. Son armée partageait son espérance. L'enthousiasme pressait ses pas. La Marne allait dans quelques heures engloutir les débris de Blücher et des Russes. Mais ce général, pressentant la pensée de Napoléon et voulant l'entrainer sur sa trace pour l'éloigner de Schwartzenberg, avait forcé le passage de la Marne et brûlé les ponts avant que Napoléon eût pu l'atteindre. L'empereur, du haut des falaises qui descendent vers la rivière, vit l'armée prussienne défiler en sûreté sur la rive opposée, dirigeant ses longues colonnes du côté du Nord.

IV.

Un doute terrible saisit Napoléon. Laissera-t-il Blücher contourner Paris à la tête d'une armée intacte et porter la terreur dans sa capitale? ou perdra-t-il des pas et des jours à le suivre en laissant à Schwartzenberg le temps de revenir en masse et sans ennemi sur Fontainebleau? Paris lui semble encore une fois le coeur de l’Empire à couvrir. Il se décide à passer la Marne sur les pas de Blücher. Mais il perd deux jours à rétablir les ponts et à transporter son armée sur l'autre rive.

Là, cherchant sur la carte un point intermédiaire entre Soissons et Reims, il marque du doigt Fismes. Il y arrive le 4 mars au point du jour. Cette marche plaçait Blücher entre Napoléon d'un côté, Marmont et Mortier de l'autre, Soissons et l'Aisne en avant. Soissons avait été reconquis par Mortier et gardait les ponts de l'Aisne. Blücher était prisonnier. Napoléon ne croyait plus avoir qu'à lui dicter sa capitulation.

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V.

Mais la guerre a des hasards qui déconcertent les plans les mieux réfléchis. L'insuffisance ou l'hésitation de la faible garnison de Soissons avait fait ouvrir les portes de cette ville aux Prussiens du Nord, au moment même où une résistance de quelques heures donnait à l'empereur et à ses lieutenants toute une armée captive dans leurs mains. Blücher retrouve dans Soissons l'armée de Witzingerode et de Bulan qui l'accueillent et portent ses forces à cent mille combattants. Mais il redoute tellement un quatrième choc avec l'empereur, qu'il s'éloigne de nouveau de l’Aisne et s'enfonce à grandes marches vers Laon.

Autre doute pour Napoléon. Doit-il rétrograder ou poursuivre? L'élan l'entraîne, il poursuit. Il franchit l'Aisne à Béry-au-Bac. Le 7 mars, il rencontre à Craonne les corps russes et prussiens qui marchaient de Soissons pour couvrir Blücher après l'avoir sauvé. Napoléon les aborde à la baïonnette sur les hauteurs de Craonne hérissées de batteries. Les Russes meurent sur leurs pièces, ils emportent des rangs entiers de nos soldats. Mais ils cèdent aux assauts répétés de Napoléon et fuient en désordre vers Laon. Blücher y était déjà , fatigué, blessé, étonné d'une si infatigable poursuite. L'empereur, qui ne l'avait pas laissé respirer, allait l'atteindre. L'armée prussienne était dans un de ces moments de découragement que donnent les retraites après les défaites. La renommée de Napoléon pesait sur Blücher et sur ses soldats. Tout présageait l'anéantissement de ces trois armées dont les tronçons ne se rejoignaient que sous le canon de leur vainqueur.

VI.

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Mais une quatrième armée arrivait à Blücher à l'instant où Napoléon se montrait devant lui. C'était celle du roi de Suède, Bernadotte, ce Murat du Nord, à qui la famille des rois dans laquelle il était entré faisait oublier sa patrie. Il ne la commandait pas en personne. Les conseils et ses contingents combattaient pour lui. Son épée respectait le sang de ses compatriotes.

Napoléon, témoin de cette jonction du corps de Bernadotte avec les deux armées de Blücher et avec celle de Witzingerode, n'hésite pas cependant à aborder ces cent

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