revenir de leurs erreurs, et confirmer, par cette nouvelle preuve, la solidité du gouvernement constitutionnel. » Le roi termina la lecture du discours que les ministres avaient préparé, en exhortant les députés à éclairer l'opinion publique, quand ils arriveraient dans leurs provinces, et à inspirer partout la confiance dans les vues et les intentions du gouvernement, etc. La réponse du président des cortès au roi était empreinte d'une modération extraordinaire; il appuyait beaucoup sur l'union qui existait entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, ce qui ne pouvait qu'étonner ceux qui avaient lu dans les journaux leurs précédentes discussions, ou qui y avaient assisté, et avaient été témoins des outrages criminels qu'on avait faits au ministère. Sa Majesté quitta la salle des cortès en saluant gracieusement les députés et les spectateurs placés dans les galeries. Le cortége passa dans l'ordre accoutumé. A peine le roi était monté en voiture pour rentrer dans son palais, que certains individus connus pour appartenir à la classe des comuneros, se mirent à crier vive Riego! vive la liberté! d'un ton menaçant. Un bourgeois répondit par le cri de vive le roi absolu! on l'assomma à coups de bâton. Au moment d'entrer dans la place du château, les partisans de Riégo insultèrent de nouveau le roi, et traversèrent la haie, en groupes fort nombreux, du côté des gardes. Ceux-ci serrèrent leurs rangs, et empêchèrent les groupes de pénétrer plus loin. Mais tandis que Sa Majesté et toutes les personnes de sa famille montaient l'escalier, et entraient dans leurs appartemens, les perturbateurs allèrent se placer dans un endroit un peu élevé qui domine la place, et recommencèrent de là leurs insultes contre les soldats de la garde, en leur lançant des pierres. Le lieutenant Casasola fut blessé. Les officiers eurent bien de la peine à contenir leurs soldats, dont l'irritation était extrême; ils voulaient faire feu sur cette canaille; mais enfin, le lieutenant Coma, à la tête d'une compagnie de grenadiers, monta sur la hauteur, et força les perturbateurs à la retraite. Parmi les officiers des gardes, il y en avait quelques-uns fort exaltés en faveur de la Constitution, et parmi ceux-ci, Mamerto Landaburu s'était particulièrement fait distinguer. Il était fils d'un négociant de Cadix. Sa sœur avait épousé à Madrid un des acteurs du théâtre, nommé Gonzalès, homme très-révolutionnaire, et qui s'était proposé d'être le Collotd'Herbois de l'Espagne. Cet officier était mal vu dans le régiment, à cause de ce mariage peu assorti, le corps des gardes espagnoles ayant, par sa composition, des idées aristocratiques sur ce point; mais on était surtout irrité contre Landaburu, parce que pendant la soirée d'un des jours précédens, se trouvant de garde au château, accompagné de quelques soldats, il vint avec sa femme chanter la Tragala sous les balcons de l'appartement de Sa Majesté; il se mit en fureur contre les soldats qui criaient vive le roi! et qui empêchaient la canaille d'entrer dans la place. Il paraît, d'après le rapport de ses camarades, qu'il avait la tête troublée par la boisson; et la manière dont il périt pourrait faire croire qu'il y était adonné. Pendant que les fusils des soldats étaient en faisceaux, un des tirailleurs vint parler à son cousin, qui était grenadier dans la compagnie de Landaburu. Ce capitaine lui dit des injures, et ajouta qu'il ne voulait pas qu'avec ou sans permission, les chasseurs, qui étaient des serviles, vinssent corrompre ses grenadiers libéraux. Le soldat se voyant maltraité, se crut dispensé du respect envers l'officier, et lui répondit par des paroles un peu dures; alors Landaburu tira son sabre, et le blessa légèrement. Aussitôt que le soldat, tout couvert de sang, arriva devant sa compagnie, ses camarades entrèrent en fureur contre Landaburu, et crièrent: Il faut le tuer! Les officiers, dans l'intention de le sauver, voulurent l'introduire dans le château par unė des portes qui donnent sur la place; mais au moment de la traverser, trois soldats tombèrent sur lui, et le tuèrent d'un coup de fusil. La nouvelle de cet attentat, suite de l'insubordination que les révolutionnaires avaient introduite partout, se répandit bientôt dans Madrid, mais racontée avec des circonstances plus ou moins favorables, selon l'intérêt des partis. Les uns regardaient les agresseurs comme des monstres, non parce qu'ils avaient assassiné un officier dans un acte de service et dans le palais du monarque, circonstances assez graves et qui rendaient l'attentat affreux, mais parce que Landaburu était un patriote ayant les sentimens les plus exaltés. D'autres, au contraire, n'osant pas excuser tout à fait les militaires qui s'étaient rendus coupables de l'attentat, cherchaient à réunir tant de circonstances atténuantes, qu'on le présentait presque comme un acte légitime dicté par le droit de la propre défense. En un mot, chaque parti considérait le crime d'après sa position et ses intérêts. La milice prit les armes, et se dirigea à la place de la Constitution, où arrivèrent peu de temps après quelques pièces d'artillerie. De nombreux attroupemens se formèrent devant la maison de ville pour offrir leurs services contre les gardes, qu'on regardait déjà comme ayant déclaré la guerre aux constitutionnels. Quelques officiers et sergens des gardes demandèrent à servir dans d'autres régimens de la garnison, et à quitter leurs camarades, dont ils ne partageaient pas les |