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opinions politiques. Le général Morillo était malade, et gardait le lit; mais aussitôt qu'il fut prévenu par les ministres de l'évènement qui venait d'avoir lieu, il monta à cheval, et se rendit au château, où se trouvait déjà le chef politique Saint-Martin : tous les deux cherchèrent par tous les moyens possibles à calmer l'agitation des esprits, et arrêtèrent que de forts détachemens de troupes parcoureraient la ville pendant la nuit. Les habitans, de leur côté, illuminèrent spontanément le devant de leurs maisons, et la nuit se passa sans aucun évènement fâcheux.

Le général Morillo se rendit chez le roi, et dit à Sa Majesté que Landaburu s'était attiré lui-même son malheur par sa conduite irréfléchie; mais que, d'après les règles de la discipline militaire, il fallait traduire les assassins devant un conseil de guerre. Le ministre d'État Martinez de la Rosa, qui était présent à cet entretien, dit en termes positifs à Sa Majesté, que, loin de regretter la perte de cet officier, il eût été à désirer que tous les jacobins eussent péri avec lui, puisque c'était à eux-mêmes qu'on devait attribuer l'indiscipline de l'armée. Le ministre de la guerre donna l'ordre d'instruire le procès des soldats qui avaient tué Landaburu, et obtint de la bienveillance personnelle du roi, en faveur de sa malheureuse veuve, qu'elle continuât à percevoir la solde entière de son mari, et que ses enfans fussent élevés aux dépens du trésor public. Les journaux du lendemain variaient sur les circonstances de l'assassinat, mais ils s'exprimaient tous de la même manière sur la nécessité de punir les coupables. Un ordre du jour du ministre de la guerre annonça que le procès s'instruisait avec toute la rigueur des lois militaires, et que Sa Majesté désirait qu'il fût terminé le plus promptement possible. Mais cette résolution n'était pas suffisante pour apaiser les comuneros et autres exaltés, qui se regardaient comme blessés par le même coup qui avait tué Landaburu; ils demandaient tout haut la dissolution des bataillons des gardes. La crainte de voir cette suppression adoptée par le gouvernement, fut la cause véritable du parti peu réfléchi que les soldats de la garde prirent cette nuit même. Deux bataillons de ce corps étaient de service au château, et ils ne voulurent pas le quitter, s'appuyant sur l'ordonnance qui prescrit que, dans le cas d'émeute à Madrid, les bataillons auxquels appartiennent les compagnies de service doivent se porter sur le champ au château, pour garder la personne de Sa Majesté. Le poste de la puerta del Sol était occupé aussi par des soldats de la garde, qui, au moment d'être relevés, ne répondirent aux fifres et aux tambours qui jouaient l'hymne de Riégo, déclaré national par les cortès, que par l'ancienne marche des grenadiers. Dans toutes les casernes de la ville occupées par les gardes, on remarqua pendant toute la journée des symptômes d'une grande exaspération, et que les soldats étaient disposés à ne pas se laiser désarmer sans résistance, humiliation dont on leur faisait entendre qu'ils étaient menacés. La municipalité, aussi passionnée pour les miliciens qu'elle était ennemie des soldats de la garde, commit la grande imprudence de distribuer aux premiers 40,000 cartouches en présence de quelques-uns de ces derniers, à qui on disait que ces cartouches étaient distribuées dans l'intention de désarmer la garde. Sa Majesté ayant eu connaissance de l'inquiétude de la ville, donna ordre au général Morillo de la parcourir, et de ramener l'esprit des soldats. Le général monta à cheval, et fut les haranguer. Ayant obtenu une soumission parfaite, en apparence, il se retira sans concevoir le moindre soupçon de la résolution qu'ils prirent quelques heures plus tard.

Il est hors de doute, si les officiers et les sergens eussent été d'accord entre eux, ou s'ils eussent eu quelque chef hardi, capable de concevoir un plan bien coordonné, que les gardes se seraient rendus maîtres de la capitale à quelque heure du jour ou de la nuit qu'ils eussent voulu. Les six bataillons de ce corps composaient à eux seuls une force numériquement, ou tout au moins moralement supérieure à celle des autres régimens de la garnison de Madrid. Toutes les barrières et les postes principaux de la ville étaient occupés par eux. Rien ne leur était aussi facile que de s'emparer du parc d'artillerie, qui était mal gardé, et où il n'y avait que vingt-six hommes qu'on aurait pu surprendre. Une grande partie des troupes de la garnison avait les mêmes opinions que la garde, surtout le régiment de l'Infant don Carlos, et un escadron de cavalerie du Prince, Enfin, la milice nationale, quoique nombreuse, n'avait jamais vu le feu, et il était probable qu'au premier coup de fusil la plus grande partie des individus qui la composaient auraient couru bien vite se cacher. Ils avaient d'ailleurs en leur pouvoir le roi et toute la famille royale, les ministres, le conseil d'État et un grand nombre d'autres autorités.

Ils auraient pu s'emparer aussi avec facilité de la députation permanente des cortès et de tous ses membres, et empêcher par-là la formation d'aucun autre gouvernement que celui que le roi aurait voulu établir.

Mais ils ne firent rien de ce qu'il fallait faire; et au contraire, ils adoptèrent une résolution hasardée et peu en rapport avec le but qu'ils s'étaient proposé. A onze heures du soir, le 3o bataillon quitta la caserne de la rue de Foncarral, vis-à-vis l'hospice, et alla camper en dehors des portes de Madrid, sans

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