« Une Constitution que le roi Ferdinand n'avait ni reconnue ni acceptée en reprenant la couronne, lui fut depuis imposée par une insurrection militaire. La conséquence naturelle de ce fait a été que chaque Espagnol mécontent s'est cru autorisé à chercher, par le même moyen, l'établissement d'un ordre de choses plus en harmonie avec ses opinions et ses principes: l'emploi de la force a créé le droit de la force. « De là les mouvemens de la garde à Madrid, et l'apparition des corps armés dans diverses parties de l'Espagne. Les provinces limitrophes de la France ont été principalement le théâtre de la guerre civile. De cet état de troubles de la péninsule est résulté pour la France la nécessité de se mettre à l'abri. Les évènemens qui ont eu lieu depuis l'établissement d'une armée d'observation aux pieds des Pyrénées, ont suffisamment justifié la prévoyance du gouvernement de Sa Majesté. « Cependant le congrès, indiqué dès l'année dernière pour statuer sur les affaires de l'Italie, se réunissait à Vérone. << Partie intégrante de ce congrès, la France a dû s'expliquer sur les armemens auxquels elle avait été forcée d'avoir recours, et sur l'usage éventuel qu'elle en pourrait faire. Les précautions de la France ont paru justes à ses alliés, et les puissances continentales ont pris la résolution de s'unir à elle pour l'aider (s'il en était jamais besoin) à maintenir sa dignité et son repos. « La France se serait contentée d'une résolution à la fois si bienveillante et si honorable pour elle; mais l'Autriche, la Prusse et la Russie ont jugé nécessaire d'ajouter à l'acte particulier de l'alliance une manifestation de leurs sentimens. Des notes diplomatiques sont, à cet effet, adressées par ces trois puissances à leurs ministres respectifs à Madrid, ceux-ci les communiqueront au gouvernement espagnol, et suivront, dans leur conduite ultérieure, les ordres qu'ils auront reçus de leurs cours. « Quant à vous, monsieur le comte, en donnant ces explications au cabinet de Madrid, vous lui direz que le gouvernement du roi est intimement uni avec ses alliés, dans la ferme volonté de repousser par tous les moyens les principes et les mouvemens révolutionnaires.; qu'il se joint également à ses alliés dans les vœux que ceux-ci forment pour que la noble nation espagnole trouve elle-même un remède à ses maux, qui sont de nature à inquiéter les gouvernemens de l'Europe, et à lui imposer des précautions toujours pénibles. maux. « Vous aurez surtout soin de faire connaître que les peuples de la péninsule, rendus à la tranquillité, trouveront dans leurs voisins des amis loyaux et sincères. En conséquence, vous donnerez au cabinet de Madrid l'assurance que les secours de tout genre dont la France peut disposer en faveur de l'Espagne, lui seront toujours offerts pour assurer son bonheur et accroître sa prospérité; mais vous lui déclarerez en même temps que la France ne se relâchera en rien des mesures préservatrices qu'elle a prises, tant que l'Espagne continuera à être déchirée par les factions. Le gouvernement de Sa Majesté ne, balancera pas même à vous rappeler de Madrid, et à chercher ses garanties dans des dispositions plus efficaces, si ses intérêts essentiels continuent à être compromis, et s'il perd l'espoir d'une amélioration qu'il se plaît à attendre des sentimens qui ont si longtemps uni les Espagnols et les Français dans l'amour de leurs rois et d'une sage liberté. « Telles sont, monsieur le comte, les instructions que le roi m'a ordonné de vous transmettre au moment où les notes des cabinets de Vienne, de Berlin et de Saint - Pétersbourg vont être remises à celui de Madrid. Ces instructions vous serviront à faire connaître les dispositions et la détermination du gouvernement français dans cette grande oc currence. « Vous êtes autorisé à communiquer cette dépêche, et à en fournir copie si elle vous est demandée. » C'était un évènement peut-être unique dans les fastes de la diplomatie, qu'une lettre ministérielle adressée à Madrid, et publiée dans les journaux français avant qu'elle fût arrivée à sa destination. L'anxiété générale et les intérêts du commerce expliquent assez cette innovation dans les formes suivies jusqu'alors. Il n'y avait que ceux qui habitaient l'Espagne à cette époque, et qui suivaient la marche des évènemens, qui fussent à même de calculer exactement les grands inconvéniens des incertitudes et des tâtonnemens du cabinet français, et les maux qui s'ensuivaient pour la cause des amis de la monarchie, parce qu'il n'y avait que ceux - là qui pussent s'apercevoir des espérances que les exaltés fondaient encore sur l'idée vraie ou fausse de la considération que l'on avait pour eux. La neutralité de l'Angleterre leur était déjà très-favorable, en ce que si la lutte venait à s'engager, il leur restait un asile assuré sur les côtes de la Méditerranée, quand ils ne pourraient plus résister à l'invasion. Ils voyaient aussi qu'ils pouvaient dissiper l'orage qui s'était formé à Vérone, puisqu'ils étaient les maîtres de faire des modifications à leur Constitution, et que dès lors les puissances reprendraient leurs anciens rapports d'amitié et de bienveillance envers l'Espagne; et qu'au moins ils pouvaient gagner le temps qui leur était |