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de 2000 hommes bien décidés. La milice eùt été d'un faible secours hors de Madrid; elle pouvait tout au plus maintenir l'ordre dans la ville. Le 2, le roi nomma le général Morillo colonel de la garde royale (infanterie). Ce jour même, les officiers des bataillons du Pardo adressèrent un mémoire au roi, dans lequel ils disaient que les injures répétées de la part de quelques miliciens, et même de quelques autorités, leur avaient donné la conviction qu'il s'agissait de les désarmer, et qu'ils n'avaient pu résister aux sentimens de l'honneur outragé; que dans l'état d'exaspération des soldats, ils avaient cru de leur devoir de ne pas abandonner les drapeaux, jusqu'à ce que Sa Majesté eût daigné ordonner des garanties pour sa garde. Ils déclaraient enfin qu'ils repousseraient la force par la force, et qu'ils étaient décidés à préférer la mort à l'infamie. Le mémoire était daté du camp du Pardo, et signé par le brigadier comte de Muy, au nom de tous les officiers. Sa Majesté, les ministres, le conseil d'État, le général Morillo, le chef politique Saint-Martin, étaient d'avis qu'il fallait épuiser tous les moyens de douceur avant d'employer la force; mais la municipalité pensait autrement. En même temps, on avait envoyé au général Espinosa, par un exprès, l'ordre de quitter immédiatement la Castille avec sa division, composée de 3500 hommes, et de se porter sur Madrid (1). Le gouvernement avait envoyé de pareilles injonctions dans la Manche, l'Andalousie et l'Estrémadoure, en même temps qu'on armait la milice et qu'on lui payait sa solde, qui montait par jour à 40,000 réaux. Le trésor n'avait pas de fonds; mais pour compte du dernier emprunt, approuvé par les cortès, les banquiers français Ardouin et Hubbart avancèrent 30 millions de réaux, qui servirent à payer la solde des troupes. Le général Riégo se trouvait à Monflores de la Sierra, où sa femme était tombée ma

(1) Le général Morillo refusa de donner le passeport en blanc demandé par le général Valdès pour le colonel Sésane, porteur de ces ordres. Le chef politique refusa également de signer l'ordre de réunir à Madrid toute la milice d'infanterie et de cavalerie de la province.

lade; aussitôt qu'il apprit les évènemens de Madrid, il s'empressa de rentrer dans la capitale, persuadé que les circonstances étaient favorables pour réaliser les projets que ses amis lui avaient inspirés depuis le commencement de la révolution. Conseillé par ceux-ci, et voulant se mettre à la tête des troupes constitutionnelles, il parcourait les rues pendant la soirée du 3, accompagné de quelques groupes de gens du bas peuple criant vive la Constitution! meurent les traltres! Mais il ne put parvenir à enthousiasmer personne, et dès lors il dut s'apercevoir que son parti s'était considérablement diminué. Le lendemain 4, il se présenta dans le parc d'artillerie, et commença par donner des ordres pour qu'on tirât quelques bombes sur le château et sur la place où étaient les deux bataillons des gardes; mais le colonel O'Doyle, qui y commandait, et le colonel d'artillerie Sarandia, lui firent observer qu'ils ne recevaient des ordres que du commandant-général comte de Carthagène (Morillo): celui-ci arriva sur ces entrefaites, venant de la députation permanente. Riégo lui dit qu'il était nécessaire d'attaquer les gårdes; mais Morillo lui demanda, non sans quelque hu

meur: Qui êtes-vous? - Je suis le député Riego, reprit celui-ci. Si vous êtes le député Riego, continua Morillo, allez au congrès, vous n'avez rien à faire ici; et il lui tourna le dos. Il reçut de même le député Galiano, qui s'y était rendu pour persuader aux soldats d'artillerie et aux officiers à demi-solde d'attaquer les gardes et le château. Les deux députés partirent sans dire un seul mot, et Morillo recommanda de nouveau l'ordre et la modération, et surtout qu'on respectât la demeure du souverain.

En même temps il donna ordre au bataillon sacré, qui s'y trouvait, d'aller occuper la place de Saint-Dominique, parce que ce corps étant composé en grande partie de jeunes gens insubordonnés et des plus furieux révolutionnaires de la capitale, faisant partie des clubs et des sociétés maçonniques, était un grand obstacle au maintien de l'ordre parmi les soldats du parc, et les chefs se trouvaient embarrassés de leur présence dans un endroit aussi important. Tous les officiers du régiment

de l'Infant don Carlos remercièrent le général Morillo d'une résolution aussi sage et aussi opportune.

Ce qui prouve que les bataillons campés au Pardo n'avaient nullement intention de changer la forme du gouvernement, c'est qu'ils placèrent une garde d'honneur devant la pierre. de la Constitution, contraste assez bizarre avec les cris qu'ils proféraient sans cesse de vive le roi absolu! Ils avaient aussi emporté les enseignes de tous les bataillons; mais ils remirent ceux des deux bataillons qui étaient restés de service au château, à deux compagnies qui vinrent les chercher.

Cependant, la municipalité était en permanence, et adressait à tous momens des messages à Sa Majesté. Elle demanda entre autres choses au gouvernement de se transférer dans le bâtiment appelé de la Panaderia, sur la grande place de Madrid, où la municipalité tenait alors ses séances, entourée de la milice nationale. Les ministres n'eurent garde de se mettre entre les mains des exaltés, et de se priver ainsi de la liberté nécessaire pour la direction des affaires dans des momens aussi criti

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