pre le silence sur un état de choses qui, d'un jour à l'autre, peut compromettre la tranquillité de l'Europe. « Le gouvernement espagnol veut-il et peut-il apporter des remèdes à des maux aussi palpables et aussi notoires? Veut-il et peut-il prévenir ou réprimer les effets hostiles et les provocations insultantes qui résultent pour les gouvernemens étrangers de l'attitude que la révolution lui a donnée, et du système qu'elle a établi? « Nous concevons que rien ne doit être plus contraire aux intentions de Sa Majesté catholique, que de se voir placée dans une position aussi pénible envers les souverains étrangers; mais c'est précisément parce que ce monarque, seul organe authentique et légitime entre l'Espagne et les autres puissances de l'Europe, se trouve privé de sa liberté et enchaîné dans ses volontés, que ces puissances voient leurs rapports avec l'Espagne dénaturés et compromis. « Ce n'est pas aux cours étrangères à juger quelles institutions répondent le mieux au caractère, aux mœurs et aux besoins réels de Y la nation espagnole; mais il leur appartient indubitablement de juger des effets que des expériences de ce genre produisent par rapport à elles, et d'en laisser dépendre leurs déterminations et leur position future envers l'Espagne. Or, le roi notre maître est d'opinion que, pour conserver et rasseoir sur des bases solides ses relations avec les puissances étrangères, le gouvernement espagnol ne saurait faire moins que d'offrir à ces dernières des preuves non équivoques de la liberté de Sa Majesté catholique, et une garantie suffisante de son intention et de sa faculté d'écarter les causes de nos griefs et de nos trop justes inquiétudes à son égard. « Le roi vous ordonne, monsieur, de ne pas dissimuler cette opinion au ministère espagnol, mais de lui faire lecture de la présente dépêche, d'en laisser une copie entre ses mains, et de l'inviter à s'expliquer franchement et clairement sur ce qui en fait l'objet. « Agréez, etc. » Dépêche de M. le comte de Nesselrode, au chargé d'affaires de Russie à Madrid. «Vérone, 14-26 novembre 1822. « Les souverains et les plénipotentiaires réunis à Vérone dans la ferme intention de consolider de plus en plus la paix dont jouit l'Europe, et de prévenir tout ce qui pourrait compromettre cet état de tranquillité générale, devaient, dès le moment où ils se sont assemblés, porter un regard inquiet et attentif sur une antique monarchie que des troubles intérieurs agitent depuis deux ans, et qui ne peut qu'exciter à un égal degré la sollicitude, l'intérêt et les appréhensions des autres puissances. << Lorsqu'au mois de mars 1820 quelques soldats parjures tournèrent leurs armes contre leur souverain et la patrie, pour imposer à l'Espagne des lois que la raison publique de l'Europe, éclairée par l'expérience de tous les siècles, frappait de la plus haute improbation, les cabinets alliés, et nommément celui de Saint-Pétersbourg, se hâtèrent de signaler les malheurs qu'entraîneraient après elles des institutions qui consacraient la révolte militaire par le mode de leur établissement. « Ces craintes ne furent que trop tôt et trop complètement justifiées. Ce ne sont plus des théories ni des principes qu'il s'agit ici d'examiner et d'approuver. Les faits parlent; et quel sentiment leur témoignage ne doit-il pas faire éprouver à tout Espagnol qui conservé encore l'amour de son roi et de son pays! Que de regrets s'attachent à la victoire des hommes qui ont opéré la révolution d'Espagne! « A l'époque où un déplorable succès couronna leur entreprise, l'intégrité de la monarchie espagnole formait l'objet des soins de son gouvernement. Toute la nation partageait les vœux de Sa Majesté catholique; toute l'Europe avait offert une intervention amicale pour rasseoir sur des bases solides l'autorité de la métropole dans les contrées lointaines qui avaient jadis fait sa richesse et sa force. Encouragées par un funeste exemple à persévérer dans la révolte, les provinces où elle avait déjà éclaté trouvèrent dans les évènemens du mois de mars la meilleure apologie de la désobéissance, et celles qui restaient encore fidèles se séparèrent aussitôt de la mère-patrie, justement effrayées du despotisme qui allait peser sur son infortuné souverain et sur un peuple que d'imprévoyantes innovations condamnaient à parcourir tout le cercle des calamités révolutionnaires. « Au déchirement de l'Amérique ne tardèrent pas à se joindre les maux inséparables d'un état de choses où tous les principes constitutifs de l'ordre social avaient été mis en oubli. « L'anarchie parut à la suite de la révolution, le désordre à la suite de l'anarchie. De longues années d'une possession tranquille cessèrent bientôt d'être un titre suffisant de propriété; bientôt les droits les plus solennels furent révoqués en doute; bientôt des emprunts ruineux et des contributions sans cesse renouvelées attaquèrent à la fois la fortune publique et les fortunes particulières. Comme aux jours dont l'idée seule fait encore frissonner l'Europe, la religion fut dépouillée de son patrimoine, le trône du respect des peuples, la majesté royale outragée; l'autorité |