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11 est difficile de donner une idée des applaudissemens qui suivirent, ou plutôt interrompirent ce discours. Non seulement le message fut unanimement adopté, mais encore l'orateur fut porté en triomphe jusqu'à la voiture du président des cortès, et conduit chez lui au bruit de la musique et des acclamations. Le soir, la capitale fut illu

minée.

L'inquiétude et la terreur remplacèrent ces scènes de triomphe. Le commandantgénéral de l'Aragon, Vélasco, annonçait, le 6 janvier, au ministre de la guerre, qu'ayant appris la veille que des bandes réunies de Bessières, du Royo et d'autres, au nombre de 5 mille hommes d'infanterie, et 200 chevaux, menaçaient d'attaquer Saragosse, et se trouvaient dans Montétorréro, une des promenades de la ville, il avait pris ses dispositions de défense, et envoyé à leur rencontre la garnison et les miliciens volontaires; mais qu'après un léger engagement, dans lequel la cavalerie de constitutionnels avait chargé les royalistes, ceux-ci s'étaient éloignés le soir, en prenant la direction de Casa-Blanca. Une tentative aussi sérieuse contre une ville populeuse et renommée par la bravoure de ses habitans, prouvait bien évidemment que l'on avait exagéré les victoires remportées sur les royalistes; ils parcouraient les provinces et occupaient Méquinenza, sans être inquiétés par les constitutionnels. On savait d'ailleurs qu'une de leurs divisions venait d'entrer dans le Burgo de Osma, province de Soria, et que celle de Valence était aussi envahie par Sampère.

Le commandant de l'Aragon ayant annoncé, dans son rapport, qu'il n'avait pu envoyer de troupes à la poursuite de Bessières, on ignorait les mouvemens que celui-ci aurait pu entreprendre; mais on apprit, le 16, qu'il venait d'entrer à Siguenza, à dix-sept lieues de Madrid. Là, le corps d'armée royaliste se divisa, et prit trois directions différentes: une division se porta sur les montagnes d'Albarracin, une autre vers Médinacéli, et la troisième marcha sur Guadalajara. On parlait confusément de la défaite qu'une de ces divisions venait d'éprouver à Molina d'Aragon, où elle avait été atteinte par le général Vé

lasco. Dans la surprise qu'occasionna au gouvernement l'arrivée de la division royaliste aux environs de Madrid, et ignorant si la colonne qui s'avançait sur la capitale était celle battue en Aragon, et qui fuyait, ou bien si elle avait des projets sérieux, il donna ordre à l'un des héros de l'île de Léon O'Daly, qui commandait à Madrid, de partir sur le champ avec les troupes disponibles et quelques milices nationales, pour attaquer la division ennemie sur la route de Brihuéga. Le général Empécinado eut aussi l'ordre de l'attaquer en même temps, avec sa division, sur la gauche. En effet, O'Daly s'étant porté de Tarifa, avec une colonne de mille hommes, sur la route de Briuéla, trouva les hauteurs occupées par les troupes de Bessières. Il établit l'artillerie sur la route avec.

quelque infanterie, et une compagnie de patriotes à cheval. Le bataillon de Bujalance s'avança vers la ville, ayant un canon pour l'attaquer. Le combat s'engagea sur l'aile gauche; mais la droite plia bientôt devant les royalistes, qui mirent les constitutionnels dans la plus complète déroute, s'emparèrent

de deux pièces d'artillerie, et firent beaucoup de prisonniers, entre autres le brigadier Placencia. Les constitutionnels furent consternés de la perte de cette bataille. Les exaltés ne pouvaient cacher la honte qu'ils éprouvaient en se voyant battus par celui des chefs royalistes qu'ils avaient regardé avec le plus de mépris. La noble et généreuse conduite de Bessières envers les prisonniers, après la victoire, rendit encore plus honteux les déclamateurs, jadis si furibonds. Ni Bessières, ni aucun des habitans de Madrid, ne pouvaient douter que si par malheur lui ou les siens fussent tombés au pouvoir des constitutionnels, ils eussent péri sur l'échafaud. Mais Bessières ne voulut point user de représailles; il accorda des secours à plus de trois cents miliciens et soldats, et pourvut à ce qu'ils pussent retourner chez eux sans éprouver auçun mauvais traitement. Le brigadier Plasencia fut mis en liberté sans condition, au moment où il s'attendait à être fusillé; sort qu'il eût fait éprouver à Bessières, si la fortune lui eût été favorable. Cette conduite généreuse gagna les cœurs des miliciens en faveur du chef royaliste. Tous ceux qui revinrent à Madrid vantaient ses vertus, et la modération que les vainqueurs avaient montrée dans le triomphe. Une révolution soudaine s'opéra parmi les habitans de Madrid qui jusque-là avaient été partisans des constitutionnels.

Par suite de cette défaite, le comte de l'Abisbal fut nommé commandant-général provisoire de Madrid, et on mit sous ses ordres toutes les troupes arrivant de divers points, celles du général Vélasco y comprises. Le 25 janvier, il arriva à Alcala, et partit pour Guadajalara sans s'arrêter un instant; un de ses aides-de-camp fut envoyé à la rencontre de Vélasco, dont on n'avait pas de nouvelles depuis quelques jours. Mais aussitôt qu'il apprit que les royalistes avaient abandonné la ville, il se replia sur Alcala afin de couvrir la capitale, ne sachant quelle direction l'ennemi avait prise. Le lendemain, l'Abisbal entra à Guadajara, et se mit à la poursuite de Bessières; mais celui-ci abandonna quelques prisonniers qu'il avait voulu garder, et se porta sur Sacédon. Entre cette

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