tionnaire, des traites tirées sur Bernales, revinrent protestées. Ce banquier de Londres s'était engagé à négocier pour le compte de l'Espagne, un emprunt de 40 millions de réaux de rente, que les cortès avaient accordés pour les dépenses extraordinaires des ministres. Ses opérations devaient être surveillées par une commission spéciale qui ne devait les approuver que dans le cas où les actions seraient négociées au taux de 45 pour cent au moins. Sous cette condition, un neveu du banquier, qui résidait à Madrid, avait signé et donné des traites sur Londres, pour la somme de 80 millions de réaux. Mais aussitôt qu'il eut apprit la défaite de O'Daly à Brihuéga, et que la situation du gouvernement était loin d'être favorable, il expédia un courrier à Londres pour en prévenir son oncle, et lui conseiller de laisser protester les traites tirées sur lui. Cette circonstance contraria singulièrement le gouvernement: le neveu de Bernales fut assez heureux pour ne pas être découvert dans son asile, autrement il eût payé cher sa supercherie. On reçut enfin le discours du roi de France; il était tel qu'on l'avait annoncé, et ne laissait aucun doute sur les délibérations prises à l'égard de l'Espagne. Le voici : Discours du roi de France. « La France devait à l'Europe l'exemple d'une prospérité que les peuples ne peuvent obtenir que du retour à la religion, à la légitimité, à l'ordre, à la vraie liberté : ce salutaire exemple elle le donne aujourd'hui. << Mais la justice divine permet qu'après avoir long-temps fait éprouver aux autres nations les terribles effets de nos discordes, nous soyons nous-mêmes exposés aux dangers qu'amènent des calamités semblables chez un peuple voisin. « J'ai tout tenté pour garantir la sécurité de mes peuples, et préserver l'Espagne ellemême des derniers malheurs. L'aveuglement avec lequel ont été repoussées les représentations faites à Madrid, laisse peu d'espoir de conserver la paix. « J'ai ordonné le rappel de mon ministre. Cent mille Français commandés par un Prince de ma famille, par celui que mon cœur se plaît à nommer mon fils, sont prêts à marcher en invoquant le Dieu de saint Louis pour conserver le trône d'Espagne à un petit-fils d'Henri IV, préserver ce beau royaume de sa ruine, et le réconcilier avec l'Europe. « Nos stations vont être renforcées dans les lieux où notre commerce maritime a besoin de cette protection. Des croisières seront établies partout où nos arrivages pourraient être inquiétés. « Si la guerre est inévitable, je mettrai tous mes soins pour en resserrer le cercle, à en borner la durée. Elle ne sera entreprise que pour conquérir la paix, que l'état de l'Espagne rendrait impossible. Que Ferdinand VII soit libre de donner à ses peuples les institutions qu'ils ne peuvent tenir que de lui, et qui, en assurant leur repos, dissiperaient les justes inquiétudes de la France, dès ce moment les hostilités cesseront; j'en prends devant vous, messieurs, le solennel engagement. « J'ai dû mettre sous vos yeux l'état de nos affaires au-dehors. C'était à moi de délibérer; je l'ai fait avec maturité. J'ai consulté la dignité de ma couronne, l'honneur et la sûreté de la France. Nous sommes Français, messieurs; nous serons toujours d'accord pour défendre de tels intérêts. » Le langage de ce discours était trop clair; il n'était plus possible de douter de l'intervention armée de la France. Il fallait ou se mettre en mesure de résister, ou chercher les moyens de l'éviter. Cependant l'un n'était pas plus possible que l'autre, tant que des hommes haïs et méprisés de toute la nation resteraient dans le ministère. On voyait qu'il était absolument impossible non seulement de résister à l'armée française, mais de retarder sa marche d'un seul jour. La tentative de Bessières et la complète nullité des ministres dans un moment aussi critique, étaient encore présentes à tous les esprits; personne ne pouvait se laisser séduire par des bravades. D'un autre côté, ceux mêmes qui désiraient l'intervention d'une force étrangère, la regardaient toujours comme une calamité publique, que tout Espagnol devait chercher à éviter au lieu de la provoquer par des insultes et des injures grossières, ainsi qu'on voyait le ministère le faire tous les jours. On eut donc l'idée de le renverser, et d'en mettre à la place un autre composé en grande partie de conseillers d'État auxquels on supposait de la sagesse et une connaissance plus approfondie des affaires. Ce changement étant le sujet de toutes les conversations, les ministres ne pouvaient pas l'ignorer; on désignait les personnes sur lesquelles on comptait pour les mettre à leur place. Mais la Constitution ayant établi que les conseillers d'État ne pourraient exercer d'autres fonctions sans le consentement des cortès, les ministres réussirent à empêcher que cette autorisation leur fût accordée. Dans la séance du 17 février, les cortès refusèrent la demande, en faisant une seule exception en faveur du général Ballestéros, qui fut nommé commandant de l'Aragon, et général en chef de l'armée réunie dans cette province. |