d'État, à quelques exceptions près, on trou vait les mêmes sentimens chez les membres qui le composaient. Les Cours de justice désiraient impatiemment être délivrées du joug des révolutionnaires, et parvenir à l'indépendance nécessaire à la magistrature. Le clergé soupirait après le moment où le culte et les ministres seraient garantis des outrages continuels qu'ils éprouvaient depuis deux années d'une persécution acharnée. Une grande partie de l'armée elle-même partageait l'opinion de la nécessité d'une réforme dans la Constitution; les partisans de l'exaltation étaient en bien plus petit nombre qu'on le croyait généralement. Les ministres des cours étrangères, soit par eux-mêmes, soit par leurs émissaires, cherchaient à encourager les timides, en faisant espérer que l'intervention de leurs souverains aurait lieu pour obtenir la modification du code politique qui régissait l'Espagne. Le langage constitutionnel même était devenu ridicule, puisque les mots système, code sacré, citoyen dévoué, identifié patriote, droits imprescriptibles, et toute la litanie des mots inventés pour ennoblir le désordre, l'indolence, l'ambition, l'indiscipline, le vol et le libertinage, ne pouvaient être prononcés sans dérision, et sans donner lieu à une multitude de plaisanteries. Les députations provinciales, composées en grande partie de gens bien plus estimables que ne l'étaient les membres des municipalités, avaient annoncé dans des écrits les grands malheurs dont la patrie était menacée, si le jacobinisme qui opprimait les principales villes de l'Espagne n'était pas renversé. Enfin, on pressentait de toutes parts une crise imminente, quoiqu'on ne pût assigner d'une manière précise le moment où ce dénouement désiré aurait lieu. Tel était l'état de l'opinion publique, le 30 juin, époque à laquelle le roi devait faire la clôture des cortès extraordinaires. Déjà dès la veille, et même quelques jours auparavant, on remarquait une inquiétude vague, causée par des rixes entre les soldats de la garde royale et les miliciens volontaires. Malgré les mesures sages prises par le commandant-général Morillo pour éviter toute rencontre, on ne put parvenir à étouffer les germes de désordre qui s'étaient manifestés le mois précédent. Les miliciens insultaient les gardes, en les appelant serviles et ennemis du système constitutionnel. Les membres des cortès, au lieu de mettre un terme à ces rixes, en cherchant à calmer l'exaspération des partis opposés, mettaient au contraire de l'affectation à caresser les miliciens, et annonçaient la suppression prochaine des régimens d'infanterie de la garde, afin de compléter la réforme totale des troupes de la maison du roi, qui avait commencé par les gardes-ducorps et les carabiniers royaux. Une dispute eut lieu, le 23 au soir, entre deux tambours, l'un des gardes, l'autre des miliciens; celui-ci fut blessé; les attroupemens commencèrent à la puerta del Sol, et dans les rues environnantes; mais de fortes patrouilles rétablirent l'ordre, et la nuit se passa sans aucun évènement fâcheux. Le lendemain, à dix heures, Sa Majesté monta en voiture pour se rendre dans la salle des cortès, en passant au milieu de la haie formée par les gardes et par les autres régimens de la garnison; il n'arriva rien de remarquable pendant ce trajet, si ce n'est qu'on fit entendre quelques cris de vive le roi! sans y ajouter le mot constitutionnel. Sa Majesté dit aux cortès, dans son discours, qu'elle était très-satisfaite des réformes économiques arrêtées pour les diverses branches de l'administration, sans que le gouvernement eût été privé des ressources nécessaires pour subvenir aux besoins de l'État; elle reconnaissait les avantages qui devaient résulter pour le système de l'administration, de la nouvelle division territoriale. Elle remerciait les cortès d'avoir augmenté l'armée permanente, que Sa Majesté se proposait d'employer selon les circonstances, et avec la prudence convenable. Le roi se montrait sensible à la confiance que le congrès avait manifestée envers le gouvernement, en agrandissant la sphère de son action, et il assurait que celui-ci n'abuserait jamais des facultés extraordinaires qu'on lui avait accordées, « parce que, disait-il, ayant pris une telle résolution relativement à des pouvoirs indéfinis par leur nature, et subordonnés aux seules circonstances, il est inutile que je donne aux cortès l'assurance que mon gouvernement ne transgressera dans aucun cas les bornes prescrites par la loi: mais décidé en même temps à soutenir leur empire, et à ne consentir, sous aucun prétexte et par aucun motif, qu'elles soient violées impunément, j'exercerai la plénitude de mon autorité constitutionnelle pour assurer la tranquillité et maintenir les Espagnols dans la paisible jouissance de leurs droits. « Il m'est très-pénible que le feu de l'insurrection se soit allumé dans les provinces qui composent l'ancienne Catalogne. Mais quoique la pauvreté de quelques districts, et la simplicité de leurs habitans, rendent ceuxci propres à servir à la séduction d'instrumens et de victimes, le bon esprit qui règne dans les chefs-lieux des villes industrieuses, le courage de l'armée permanente, l'enthousiasme des milices, et les bonnes dispositions que montrent en général les peuples, lorsqu'ils voient leurs foyers et leur liberté en danger, vont enfin contribuer à me donner la juste confiance de voir déjouer les machinations des malveillans, les hommes égarés |