en leur pouvoir, de débarquer l'équipage, et de livrer le bâtiment aux Anglais, qui y mirent le feu. Élio apprit par cet émissaire les évènemens d'Espagne, que la dynastie était changée, et que Joseph Napoléon y régnait. Aussitôt qu'il eut connaissance de ces nouvelles importantes, il conçut le projet de s'opposer, par tous les moyens possibles, aux machinations de Napoléon. Le général Liniers était viceroi; depuis quelque temps Élio était peu d'accord avec lui, et le soupçonnait de favoriser les vues du gouvernement français. Cependant un fils de Liniers se trouvait alors à Montévidéo, où il commandait un bâtiment; Élio lui donna ordre de conduire l'émissaire à Buenos-Ayres, en lui recommandant de faire sentir à son père la grande responsabilité qui pesait sur lui, ainsi que la nécessité d'agir avec prudence. L'émissaire étant arrivé à Buénos-Ayres, Liniers partagea les sentimens d'Élio, et le remercia de ses avis. Mais au lieu d'apprendre son arrestation, et que l'on avait pris des dispositions pour rendre inutiles les instructions dont l'émissaire était 1 porteur, il le vit arriver quelques jours après, avec des ordres du vice-roi, pour qu'on lui procurât les moyens d'un prompt passage en Europe. Elio s'aperçut alors que Liniers était tombé dans le piége dont il avait voulu le garantir; et persuadé que dans l'état des choses l'obéissance ne pouvait qu'entraîner la patrie dans des malheurs affreux, il écrivit au viceroi, en le priant de ne pas laisser retourner en Europe l'envoyé de Napoléon, puisque celui-ci avait dépouillé injustement le roi Ferdinand de sa couronne; il ajoutait que sa fidélité ne lui permettait pas de transiger avec Buonaparte en aucune manière. S'adressant ensuite aux membres de la municipalité et aux habitans les plus considérés, tous, à l'unanimité, furent d'avis de déclarer la guerre à Napoléon Buonaparte, et de n'obéir qu'aux ordres émanés du gouvernement légitime de la péninsule. Quand le vice-roi eut connaissance de ces évènemens, il envoya à Montévidéo un officier supérieur avec l'ordre de prendre le commandement; il était aussi porteur de lettres pour les commandans des corps militaires, ansi que pour la municipalité de la ville. On obéit d'abord au vice-roi; mais quand on sut que l'on signifiait à Élio, par ordre du gouvernement espagnol, qu'il eût à se rendre en Espagne, le peuple s'ameuta, fit entendre des vivat et des acclamations en faveur d'Élio, voulut s'opposer à son départ, et déclara qu'il n'obéirait jamais à Buonaparte. L'émissaire se sauva sans bruit à Buenos-Ayres; mais Élio ne voulut pas désobéir à l'ordre qui lui avait été communiqué au nom du gouvernement espagnol, et s'embarqua pour Cadix. Quarante-huit heures après son départ, l'indignation, contenue jusqu'alors par sa présence, éclata avec force; le vice-roi et toutes les autorités furent déposés. C'est ainsi que commença cette longue série de malheurs qui ont affligé et qui affligeront encore l'Amérique et l'Europe. Quelle dut être la surprise d'Élio à son arrivée à Cadix, en apprenant que ni la ré gence ni les ministres n'avaient la moindre connaissance de son voyage, et qu'ils n'avaient envoyé aucun ordre à cet effet? Le gouvernement était si éloigné de vouloir rappeler Elio, qu'on lui avait adressé, trois mois auparavant, des lettres qui le nommaient capitaine - général du royaume de Chili. Il était donc bien évident qu'on avait voulu éloigner Élio de Buenos-Ayres, parce qu'on le regardait comme un obstacle insurmontable à l'exécution des projets d'indépendance dont il soupçonnait l'existence depuis long-temps. Huit jours après son arrivée à Cadix, on lui conféra le commandement d'une division de l'armée du centre, qui était à Murcie, sous les ordres du général Blake; mais il ne put rendre aucun service dans ce commandement, ayant reçu, au bout de deux mois, l'ordre formel de s'embarquer pour la rivière de la Plata, emmenant avec lui un corps d'armée qu'il choisirait à Alicante. On lui envoya à cet effet une frégate et une corvette avec des provisions de toute espèce, et une certaine somme d'argent. Il ne put tirer aucun parti de ces bâtimens, qu'on supposait infestés de la fièvre jaune; et renonçant à emmener des troupes, il s'embarqua avec un aide-de-camp pour aller remplir les intentions du gouvernement. Il s'arrêta quelques heures devant le fort Saint-Sébastien, à Cadix, pour recevoir les dernières instructions qu'on lui avait promises; mais une tempête le força de gagner le large, et il partit pour Montévidéo, où il arriva vers la mi - janvier 1811. Tout était changé dans ce pays depuis son départ; et la seule consolation qu'il eut en arrivant fut de revoir sa famille, et de recevoir des témoignages de considération et d'estime de la part de la population. Le général Vigodet, nommé gouverneur de Montévidéo par la régence, pendant l'absence d'Élio, malgré sa sagesse et sa fermeté, n'avait pu maintenir l'esprit public; les manœuvres de la junte de Buenos-Ayres, qui s'était déclarée pour l'indépendance, avaient réussi à ébranler la fidélité des habitans. La présence d'Élio, et la crainte de voir arriver aussi de nouvelles troupes d'Espagne, rendirent le parti des insurgés plus actif, et il n'épargna aucun moyen pour propager le feu de l'insurrection. Aussi, en moins de trois mois, l'incendie devint général; les officiers, les sol |