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ment, vous, graves philosophes, qui méditâtes au milieu des déserts et sur les ruines des empires! Certains auteurs, qui redoutent aujourd'hui qu'on ne les oppose à eux-mêmes, ont cru devoir prudemment retirer de la circulation les œuvres où jadis ils publièrent de si magnifiques éloges de l'usurpateur; et nos saints nouveaux, dont je connais bon nombre qui, dans ces temps de malédiction, s'étaient aussi laissé aller à quelque débauche d'esprit, n'ont pas fait enlever avec moins de scrupule tous ces fruits d'une autre saison. De sorte que, joignant à tout cela le soin qui a été pris d'éclaircir les rangs de l'histoire et de la philosophie, il ne reste plus guère à vendre que ce que personne ne voudrait acheter. En fait de haute littérature, je n'aperçois maintenant à l'étalage que des Alphabets raisonnés, l'Histoire chronologique des maisons souveraines de l'Europe, le grand Almanach Royal et celui du Commerce, la Cuisinière bourgeoise. On a laissé, comme livres propres à former les mœurs et le goût de la jeunesse, les Cas de conscience d'Escobar, l'Académie des jeux, les Vies de Cartouche et de Mandrin.

Trop peu respectueux pour l'Église, le Lutrin ne serait point imprimé de nos jours; déjà même on parle de mettre à l'index le Tartufe. Et, cependant, eut-on jamais plus besoin de démasquer ces saints personnages, qui se chargeant de remplir tout-à-lafois dans une famille les rôles d'époux et d'héritier, n'entrent chez vous que précédés de la haire et de la discipline de saint Acheuil. O noble chantre du Lutrin, quels amples et riches sujets pour ta muse!

combien elle se féliciterait surtout de ce nouveau débat qui maintenant encore met en rumeur tout le cha pitre! C'est en vain que la librairie de la rue du Paon (1) prétend se parer d'un droit qu'on lui conteste, et ver dre de saintes prières que revendiquent les libraires Clairaut et Boisrude. Nous ne sommes guidés, disent les associés du Paon, que par l'amour du prochain, et non par de vils motifs de lucre et d'intérêt. C'est une bonne action que nous voulons partager avec vous, et non les profits; ne sommes-nous pas convenus d'écraser sous le Paroissien et l'Eucologe tous les Dupuis et les Voltaire-Touquet 2 Mais Boisrude, intraitable sur ce point, a juré qu'on ne prierait point le Seigneur, plutôt que de le prier dans une contrefaçon. O zèle admirable de nos modernes dévots, combien j'aime à retrouver en vous les vertus sublimes des héros de la sainte chapelle!

Mais d'autres cris ont trouble mon oreille; c'est un autre procès entre saints de même robe. Encore un libraire monté sur la brèche (1) pour attaquer une vertu du siècle, que ses opinions, du moins, et ses bons principes devaient mettre au-dessus du soupçon. Mais, dans son aveugle fureur, le digne confrère de Boisrude prétend, ô scandale! obliger à rendre compte le journaliste porte-drapeau, qui prit soin de recueillir les dons et les offrandes que la piété destine au monument d'une auguste victime. Exigera-t-on

(1) Voyez le Journal des Débats, du 10 novembre

1822.

(2) Voyez le Drapeau Blanc, de novembre dernier.

d'une grande douleur cette minutieuse exactitude que met un marchand dans ses livres de compte? et quand des larmes brûlantes ont affaibli nos paupières, ne pouvons-nous pas encore nous tromper de poche, et quelquefois même, au besoin, emprunter à la caisse pour faire dire peut-être des messes à l'illustre défunt. Taisez-vous, hommes durs, génies étroits, qui voulez soumettre à de froids calculs les nobles élans d'une grande âme! Ah! dussiez-vous combler yous-mêmes le déficit, ne donnez point de grâce l'exemple de la discorde dans votre propre camp, parmi les conservateurs du trône et de l'autel,

A. DUMESNIL.

THEATRES ET VARIÉTÉS,

La première représentation de l'Aveugle, comédie en trois actes, sera donnée au Théâtre-Français, le 15 de ce mois.

- THEATRE DE L'OPERA-COMIQUE.-Valentine de Milan a été accueillie avec un enthousiasme que comportait assurément la musique de Méhul. Le poëme de M, Bouilly, véritable mélodrame, n'a fait pleurer personne; mais en revanche l'apothéose qui a suivi cette représentation a beaucoup fait rire leş gens de goût. Il faut cependant rendre cette justice à l'écrivain, qu'il a su faire ressortir avec beaucoup d'art les morceaux du compositeur, parmi lesquels NIS a surtout remarqué les finales du premier et du

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second acte, un choeur d'une suavité admirable et une romance chantée avec beaucoup d'expression par Huet.

Somme totale, on doit des éloges à Méhul, dont la musique est ravissante; à M. Bouilly, qui aurait pu faire pis; à Huet, qui a fort bien chantë, et à Darancourt, qui avait un habit superbe.

-GYMNASE.Le Bon grand Papa est presque un Joli vaudeville; il sera joué quelque temps, si des détails ingénieux, des couplets où respire une véritable poésie, peuvent faire supporter une action tout-à-fait insignifiante; il y a pourtant des situations intéressantes. C'est au résumé un agréable tableau de famille, qui peut manquer de mouvement et d'intérêt, mais non de charme et de vérité. Gonthier, qui remplit un rôle de vieillard, joue en acteur consommé; Emile mérite des éloges, Mmes. Dormeuil, Minette, Virginie, jouent avec un zèle que l'intérêt du théâtre et le désir de plaire au public redoublent chaque jour.

Le Bon Papa est l'œuvre de deux hommes d'esprit réunis, MM. Scribe et Mélesville.

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L'abon

THEATRE DE LA PORTE SAINT-MARTIN. dance des matières ne nous a pas permis de nous occuper plus souvent de ce théâtre, qui, depuis quelques mois surtout, mérite de fixer l'attention publique. La grande victoire des Forçats n'a pas endormi l'administration dans les délices de Capoue; elle a poursuivi, sans s'arrêter, le cours de ses succès, et bientôt le Protégé de tout le monde, Ninette arrangée, la reprise de la Mansarde, du Vampire, sont

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venus attester le zèle et l'activité des directeurs, et retenir les spectateurs, dont les rangs n'eussent pas tardé à s'éclaircir. Jamais, depuis sa régénération la Porte Saint-Martin n'a présenté plus de variété et d'ensemble qu'aujourd'hui. Des couplets agréa+ bles, la voix charmante et la manière distinguée dont Perrin a créé le rôle du Protégé, assurent à ce nouvel ouvrage une longue suite de représentations. Mme. Dorval, si touchante dans le rôle de Cécile, de la Mansarde, sait arracher des larmes aux cœurs endurcis que Thérèse avait trouvé insensibles; et sa noble simplicité, dans le Vampire, offre le contraste le plus piquantavec l'aimable extravagance de Philippe. Ninette enfin, sous les traits charmans de Mademoiselle Jenny-Genniès, Ninette, apparue avec un faste peu commun jusqu'ici aux boulevards, Ninette promet à l'actrice, à Favart, et aux arrangeurs de fruc¬ tueux applaudissemens, aux directeurs et au caissier de glorieuses recettes. Certains aristarques se sont avisés, il est vrai, de reprocher à mademoiselle Genniès la finesse de son jeu. Mais dussions-nous à notre tour encourir leur indignation, nous l'engagerons à s'efforcer de mériter souvent de tels reproches. - Mlle. Victoire-Florval, jeune et jolie personne qui annonce les plus brillantes dispositions, a débuté à la Porte Saint-Martin. Nous félicitons les directeurs de ce théâtre de l'excellente acquisition qu'ils viennent de faire.

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THEATRE DE La Gaité. - Le Château de LochLeven a réussi mardi à ce théâtre, malgré une légère opposition. Ce mélodrame, qui offre des situa

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