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un théâtre d'horribles représailles; on vengeait les revers par des barbaries. Hambourg fut frappé d'une contribution. de 48 millions; Lubeck de six millions; Vandamme fit fusiller des magistrats paisibles, coupables d'avoir prévenu le pillage de Varen, à l'arrivée d'un parti de Cosaques. « Il faut commencer par faire fusiller, disait-il, sauf à entrer ensuite en explication. » On s'assurait le paiement des contributions de guerre, en s'emparant d'un certain nombre d'otages qu'on jetait dans les forteresses ou dans l'entrepont de vieux navires. Rien ne manqua à ce système d'oppression; et aussi à mesure que les Russes entraient dans les villes allemandes, la joie éclatait; on eût dit une délivrance 1..

4 juin. Alors se conclut un armistice pour six semaines. Napoléon compte en profiter pour dissoudre la coalition ou bien pour affermir son armée par l'arrivée des secours. Les ennemis lui laissent cette illusion, et ils vont, de leur côté, redoubler d'activité pour appeler à eux la confédération du Rhin, exalter le patriotisme allemand, provoquer l'Autriche, remuer les antipathies, donner enfin à la guerre le caractère implacable d'une représaille.

Déjà le midi de l'Europe fait présager des dénouements funestes. L'Espagne avait vu partir les divisions françaises les plus aguerries, et quelques corps restés épars ne pouvaient plus faire face à l'insurrection populaire et aux armées combinées. Suchet lutte seul avec gloire; l'anglais Murray assiégeait Tarragone; Suchet le rejette sur ses vaisseaux et lui enlève son artillerie. Mais, ailleurs, tout est contraire Wellington semble être sorti de ses lenteurs; il atteint à Vittoria l'armée principale, commandée par le ma réchal Jourdan, comme major-général du roi Joseph. Ce n'est pas une bataille, c'est une immense déroute; l'armée court, en désordre, vers la France par la route de Pampelune, abandonnant son artillerie et ses bagages; le vainqueur la laisse s'éloigner sans songer à la victoire; mais des guérillas naissent partout sur ses pas et harcellent cruelle

• Mém. de Bourrienne, tom. IX.

ment sa fuite. Joseph, cependant, trouble le commandement plutôt qu'il ne l'affermit. Roi de parade, plus avide de richesse que de pouvoir, il s'aperçoit à peine qu'à ce moment la couronne tombe de sa tête. Un moment le général Foy, qui commande, dans la Biscaye, vingt mille hommes, arrête la marche du vainqueur de Vittoria, en l'attaquant par la droite, à Tolosa. Suchet, alors, se porte de Valence sur l'Ebre, et, enfin, arrive le maréchal Soult du fond de l'Allemagne, pour contenir, s'il en est temps, par la stratégie, la victoire du nombre. Et, chose étonnante! on continue de retirer de l'Espagne ce qui reste encore de troupes capables de venger l'honneur des armes dans les batailles rangées, et on les envoye, en toute hâte, à l'autre extrémité de l'Europe, où doit se décider la fortune de l'Empire. Soult n'aura que des débris d'armée, et c'est avec eux qu'il donnera l'exemple d'une résistance désespérée, mais désormais impuissante.

Napoléon, cependant, feignait d'entendre des paroles pacifiques [23 juin]. Déjà, comme pour attester un retour à des idées de modération, il venait de prononcer la liberté du Pape; mais ce fut, pour l'Europe, un indice d'une signification plus haute de voir le Pontife sortir de sa captivité et s'acheminer lentement vers Rome; à cette joie soudaine, s'ajoutèrent des prévisions sur la fortune de l'Empire: dès qu'il s'adoucissait, on soupçonna qu'il se sentait défaillir.

Ce fut le commencement d'un travail complexe dans la politique. Napoléon avait accepté, à Dresde, la médiation de l'Autriche; un congrès devait s'ouvrir à Prague le 5 juillet, et l'armistice était prolongé jusqu'au 10 août. En même temps, il s'efforçait de resserrer les alliances avec les Etats qui ne s'étaient pas encore éloignés; mais, tandis que le Danemarck renouvelait ses traités avec la France, l'Autriche adhérait sourdement à l'alliance de la Prusse et de la Russie. Et, d'autre part, on annonçait le débarquement à Gottembourg du général Moreau, appelé, par Bernadotte, de son exil d'Amérique, comme auxiliaire des coalitions universelles contre son ennemi. Le nom de Moreau était resté populaire sous la persécution; mais quelle

que fût l'aversion des peuples pour un état de guerre qui les épuisait, la vieille admiration allait se taire devant une situation qui montrerait le célèbre vainqueur républicain de Hohenlinden à côté des rois armés contre la France. Toutefois, cet ensemble de circonstances révélait la nouveauté des luttes et des périls. Le congrès de Prague était rendu inutile par les dispositions incertaines de Napoléon. Les rois lui offraient de renfermer son Empire entre le Rhin et les Alpes; mais ils voulaient l'indépendance de l'Allemagne. Le plénipotentiaire de France, Caulaincourt, se présenta avec des pouvoirs incomplets, et il fut aisé de voir que Napoléon aspirait à l'intégrité de sa domination sur le continent.

La guerre redevint donc le jeu fatal de la politique. L'armistice fut dénoncé le 10 août. Des deux côtés tout était prêt pour des batailles acharnées.

Napoléon groupait autour de lui, dans la Prusse et dans la Saxe, deux cent quatre-vingt mille hommes, Français, Italiens, Allemands, Polonais; la moitié tout au plus durcis à la guerre, le reste à peine façonné au métier des armes; tous néanmoins échauffés, exaltés, maîtrisés par ce génie extraordinaire, qui faisait sortir de terre les soldats et les héros.

Les armées coalisées s'élevaient à cinq cent vingt mille combattants. L'Autriche venait de se déclarer; l'effet de son infidélité fut prodigieux; en même temps éclatait, comme un signal plus fatal encore, la proclamation de Bernadotte, l'ancien frère d'armes de Napoléon, invoquant contre lui la liberté de tous les peuples.

15 août. « C'est maintenant, disait-il, que les rivalités, que les préjugés et les haines nationales doivent disparaître devant le grand but de l'indépendance des nations. L'Empereur Napoléon ne peut vivre en paix avec l'Europe, qu'autant que l'Europe lui est asservie. Son audace a conduit quatre cent mille braves à sept cents lieues de leur patrie; des malheurs, contre lesquels il n'a pas daigné les prémunir, sont tombés sur leurs têtes, et trois cent mille Français ont péri sur le territoire d'un grand

empire, dont le souverain avait tout essayé pour vivre en paix avec la France. On devait espérer que ce grand désastre ramènerait l'Empereur de France vers un système moins dépopulateur, et qu'enfin, éclairé par l'exemple du Nord et de l'Espagne, il renoncerait à l'idée de subjuguer le continent, et consentirait à laisser la paix au monde. Mais cette espérance a été déçue, et la paix; que tous les gouvernements désirent et ont proposée, a été rejetée par l'Empereur Napoléon. Soldats! c'est donc aux armes qu'il faut avoir recours pour conquérir le repos et l'indépendance. Le même sentiment qui guida les Français de 1792, et qui les porta à s'unir et à combattre les armées qui étaient sur leur territoire, doit diriger aujourd'hui votre valeur contre celui qui, après avoir envahi le sol qui vous a vus naître, enchaîne encore vos frères, vos femmes et vos enfants... >>

Ces paroles avaient semé partout l'émotion, et l'écho en était venu soit en France, soit au sein même des armées impériales. Le général Jominy, Suisse de naissance, chef de l'état-major du maréchal Ney, donna un signal funeste; il passa à l'ennemi et lui porta les secrets des opérations. Napoléon voulait se porter sur Berlin: Bernadotte prévint son mouvement en accablant avec des forces supérieures le corps d'armée du maréchal Oudinot, à Gross-Beehren et à Ahrensdorff [23 août]. Napoléon irrité ôta le commandement à Oudinot, et le remit à Ney; et lui-même, après avoir poussé sur l'Oder l'armée du Prussien Blucher, apprenant que les armées combinées débouchaient de la Bohême sur Dresde, laissa Macdonald suivre ses opérations de la Silésie, et courut au-devant de l'attaque, traînant tout ce qu'il put de troupes, sans les laisser respirer, et leur faisant parcourir quarante lieues en trois jours. Le 26, il entrait à Dresde, à dix heures du matin, au moment où les ennemis pénétraient dans les faubourgs. Cette rapidité avait été décisive. La lutte s'engagea dès quatre heures, et les Français restés maîtres des positions purent, dès le lendemain, reprendre la bataille avec plus d'ensemble. Les forces de Napoléon étaient inégales aux armées combi

nées qui enveloppaient la ville et couvraient ses hauteurs. Mais son artillerie était savamment servie; c'est par elle qu'il suppléa au nombre, et à l'expérience même de sa jeune armée. Un canon frappa surtout un coup qui sembla dirigé par la Providence. Vers midi, le général Moreau s'entretenait avec l'empereur de Russie près d'une batterie prussienne. Un boulet l'atteignit et le fit tomber mort de ce canon on eut pu dire, comme on avait dit de celui qui frappa Turenne, qu'il était chargé de toute éternité. Pendant que les hommes disputaient de la renommée de Moreau et de l'honneur de sa vie, Dieu l'enlevait au monde, comme pour montrer que son rôle y était fini. Cette mort jeta du trouble dans les rangs de l'ennemi, et bientôt la fuite se déclara; les masses alliées coururent s'abriter derrière les montagnes de la Bohême; les Autrichiens laissaient au vainqueur vingt mille prisonniers, soixante canons et un grand nombre de chariots.

Cette bataille de Dresde, où venait d'éclater encore la vaillance des généraux célèbres, de Ney, de Mortier, de Victor, de Gouvion-St-Cyr, pouvait relever la fortune de Napoléon, en lui donnant une occasion naturelle de se replier sur le Rhin; il lui était aisé de pressentir que la victoire ne le dégagerait pas de la multitude d'ennemis qui continuaient à l'accabler sur ses flancs et sur ses derrières. Mais son système de guerre était tenace; il dédaignait la gloire des retraites, et ne croyait qu'aux coups de hardiesse et d'invasion. Les combats s'engagèrent donc en des points divers. Macdonald, affaibli par le départ des corps que Napoléon avait entraînés à Dresde, fut battu à Katsbach, dans la Silésie, par le général Blucher, qui précédemment fuyait devant ses armes [27 et 29 août]. Vandamme, lancé à la poursuite des Autrichiens, se laissa envelopper dans les défilés de la Bohême, et resta prisonnier à Kulm avec douze mille hommes. Du côté de la Prusse, les revers étaient encore plus désastreux. Davoust était obligé d'évacuer Swérin et de se replier sur la Stecknitz [2 septembre]. Ney, que Napoléon avait envoyé à la place d'Oudinot pour enlever Berlin, était arrêté dans sa marche à Dennewitz par Ber

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