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pas partir, s'écria-t-il; quand l'empereur est absent, n'est-ce pas moi qui suis le maître? >> On eût dit qu'il pressentait qu'entre les pompes des Tuileries et les caveaux funèbres de Schænbrunn, il n'y avait pour lui que quelques courtes années d'adolescence et de mélancolie. Les voitures défilèrent lentement, comme un cortége mortuaire, sur les quais. A peine quelques groupes de curieux s'arrêtaient çà et là pour voir passer ce convoi d'une dynastie. Nulle voix ne s'éleva pour saluer d'un adieu du peuple cette femme et ce fils de Napoléon fuyant au hasard et traînant les dernières pompes de la puis

sance.

Telle était la popularité de ce règne, que l'histoire peignait quelques années après comme le fanatisme du peuple.

XVIII.

Pendant que l'impératrice suivait ainsi lentement la route du château impérial de Rambouillet, le rappel du tambour appelait les citoyens à la défense des postes. La garde nationale prenait les armes, moins pour combattre que pour veiller à ses foyers. Mais la jeunesse des écoles, et quelques-uns de ces hommes que le patriotisme et le danger suscitent d'autant plus que les moments sont plus désespérés, volaient aux barrières et sur les hauteurs de Montmartre. Les faubourgs, en les voyant passer, demandaient à grands cris des armes. Tout manquait. L'Empire avait tout usé sur les champs de bataille étrangers. La nouvelle du départ de l'impératrice et de la translation du gouvernement hors de la capitale abattit,

consterna les cœurs. On attendit en silence le dernier coup qui fait écrouler les empires.

Joseph, rentrant dans Paris après avoir vu de loin le débordement de troupes qui couvraient les plaines et les routes de la capitale, évita les rues populeuses, et convoquant nuitamment les ministres et le conseil de régence, se disposa à suivre avec ces derniers débris du règne de Napoléon les pas de l'impératrice.

LIVRE QUATRIÈME.

Arrivée des -Joseph ordonne à

Course de Napoléon sur Paris. - Il traverse Troyes et Sens. armées coalisées devant Paris. - Bataille de Paris. Marmont de capituler. Proclamation de Joseph. - Fuite de Joseph, de Jérôme et du gouvernement. Mortier offre une suspension d'armes.

Dernière résistance de Marmont. - Il propose une suspension d'armes. - Députation du conseil municipal près de Marmont. Capitulation de Marmont le 30 mars. - MM. de Chabrol et Pasquier au quartier général d'Alexandre. Alexandre. Il reçoit une députation des Parisiens. Discours d'Alexandre. - Entrée des armées alliées dans Paris. - Physionomie de Paris. Pétition des maires de Paris à Alexandre. - Manifestation royaliste sur le passage des souverains.

I.

Tandis que Paris se résignait ainsi presque désarmé aux forces innombrables dont il était entouré, Napoléon calculait avec anxiété les étapes et les heures qui le séparaient de sa capitale. Il avait soixante-dix lieues à faire franchir à une armée fatiguée de marches et de contremarches, mais impatiente de revoir les murs de Paris et d'y retrouver une dernière victoire. Les soldats, les pieds déchirés par les routes et par les neiges, oubliaient leur lassitude et leurs blessures en contemplant leur empereur marchant, tantôt à cheval, tantôt à pied, au milieu d'eux. L'impatience fiévreuse de Napoléon passait de ses regards dans leurs yeux. La honte de la capitale de la France menacée pesait sur leurs âmes comme le remords de tant de gloire perdue. Ils couraient pour devancer la vengeance du monde, Napoléon pour ressaisir l'empire. Jetant dans les canaux ou brûlant les équipages qui l'em

barrassaient, il faisait jusqu'à vingt lieues en un jour. Parvenu à Troyes le 29 à onze heures du soir, il dépêche de là le général comte de Girardin à Paris, pour ordonner une défense suprême qui lui donne le temps d'arriver. Il en repart le 30, à la tête des restes de sa garde, courant vers Pont-sur-Yonne et vers Moret. A cinq lieues de Troyes, pendant que sa garde repose, l'énigme de son sort lui semble impossible à supporter. Il se jette dans une légère voiture d'osier que le hasard lui offre, et prend, accompagné de quelques officiers de son étatmajor, la route de Sens. En traversant cette ville, il fait appeler les magistrats et leur ordonne de faire préparer les rations nécessaires pour cent cinquante mille hommes qu'il ramène, dit-il, au secours de Paris. Il poursuit au galop, dans les ténèbres, sur la route de Fontainebleau.

II.

Durant cette marche rapide de Napoléon et de sa poignée de soldats vers la capitale, Paris était abordé à portée de canon par les premiers corps de trois armées ennemies. Le général russe Rayewski, sortant de Bondy en trois colonnes d'attaque, gravissait les pentes de Belleville. La garde de l'empereur Alexandre le suivait et le soutenait. Ces hauteurs de Belleville, couvertes de groupes de maisons et de jardins, dominent la moitié orientale de Paris. Marmont, adossé à ces jardins et à ces faubourgs, défendait avec l'intrépidité du désespoir ce dernier boulevard de la patrie. Son artillerie, rompant les colonnes des Russes, balayait Pantin et Romainville. L'ennemi fléchissait de ce côté. Blücher et son armée n'étaient pas encore en vue de Paris. Le général en chef russe Barclay de Tolly, ne le voyant pas déboucher pour attaquer de concert cette ville d'un million d'âmes, tremblait d'être devancé par Napoléon avant d'avoir fait sa jonction avec Blücher sous les hauteurs de Montmartre. Le général autrichien Giülay, venant de Fontainebleau, était également en retard. Tous ces retards pouvaient donner des heures au retour de Napoléon. Barclay de Tolly compromit son armée entière pour forcer Paris sans attendre les généraux Blücher et Giülay. Mais Marmont et ses soldats fortifiés de quelques volontaires et animés de l'enthousiasme que donnent les regards d'une patrie présente, couvrit de cadavres les gradins de Belleville, refoula et contint les Russes jusqu'au milieu du jour. Joseph, à cheval, parcourait et encourageait les avant-postes. « Défendez-vous, je suis avec vous », disait-il aux soldats et aux volontaires. Mais ces paroles n'ajoutaient rien à l'élan des bataillons français. Ils ne connaissaient pas Joseph. L'ombre de Napoléon aurait mieux gardé Paris.

Ce prince croyait sur la foi des lettres de Napoléon que Paris n'était qu'insulté par un corps isolé des armées alliées, et que les souverains et les masses étaient occupés à lutter du côté de Troyes avec son frère. Un officier français, enlevé la veille par une bande errante de Cosaques et amené au quartier général de l'empereur de Russie, vint détromper Joseph. Cet officier avait vu Alexandre lui-même entouré de toutes ses forces à quelque distance de Paris. « Ce n'est pas à la nation >> française que je fais la guerre, lui avait dit Alexandre,

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